mise à jour le 26 décembre 2022

1 A B C D E F G H I J L M N O P Q R S T U V W Y Z

Le JARDIN DES SUPPLICES aka The Garden of Torture - Christian Gion, 1976, France, 1h30

Ça débute au milieu des années 20, alors qu'un médecin parisien aux fortes tendances libertines est expulsé du pays par un ami ministre pour une sombre histoire de trafic de cocaïne. On l'envoie en Chine où il devra faire de son mieux pour rétablir l'ordre dans un hôpital bancal où tout bascule. Dans le bateau qui le mène à sa destination, il fera la rencontre de Clara, une énigmatique blonde qui le séduira immédiatement. Il la retrouvera une fois en Chine, où elle habite avec son père, étrange diplomate vaguement menaçant. Dans une atmosphère plus lourde que nature, il découvrira de sanglants secrets qui viendront assombrir son séjour.

Baignant dans une surexposition lumineuse qui amplifie le climat irréel et menaçant du film, LE JARDIN DES SUPPLICES est une adaptation fort habile du roman du fétichiste Octave Mirbeau - qui est responsable entre autres du JOURNAL D'UNE FEMME DE CHAMBRE, élégamment adapté dans un ton plus nuancé par Bunùel. Les repaires culturels y sont nombreux et la montée du communisme sert de toile de fond à cette fable fantasmagorique de fin d'empire. Les interprètes y sont irréprochables, et empruntent un ton surréaliste et glacial qui vient accentuer l'effet de "malaise" ressenti lors de l'écoute. Le montage, sans être innovateur, demeure au service du récit et est de mise. La musique, quant à elle, colle parfaitement aux images en leur donnant par endroits des airs d'apocalypse.

On a même droit à une petite participation amicale de Jean-Claude Carrière, qui personnifie le capitaine du bateau. On se demande, à un certain moment, si le réalisateur aurait été envoyé en psychiatrie si le film avait été tourné dix ans plus tôt. Comme il date de 1976, époque bénie s'il en est pour les cinéastes insoumis, il s'en tire avec les honneurs. Une fable percutante sur les inhumains, qui fait par moments froids dans le dos, ce qui est ma foi très réussi. Orloff

JEANNE D'ARC aka The Messenger: The Story of Joan of Arc - Luc Besson avec Milla Jovovich, John Malkovich, Dustin Hoffman, Vincent Cassel, Rab Affleck, 1999, France, 148 ou 158m

Jeanne D'Arc, figure historique, entendait Dieu et a chassé les Anglais d'Orléans. Mais aussitôt le dauphin couronné roi, la pucelle d'Orléans est abandonnée par son roi et sera pour ainsi dire livrée aux anglais après un long procès pour hérésie.

Au coeur du scénario on met en avant plan la question: est-ce que Jeanne entendait vraiment le message de Dieu ou entendait-t-elle les voix qui lui plaisait, schizophrénique ou future sainte. Si l'Église l'a réhabilitée, le film, et spécialement le personnage obscur joué par Dustin Hoffman, la conscience de Jeanne ou le diable, laisse au spectateur le soin de décider. Si les historiens ont noté des différence avec l'histoire connue, Besson met en scène de manière efficace avec beaucoup de personnages attachants. Dans le cas de Gilles de Rais, interprété par Vincent Cassel, on ne peut se douter du funèbre destin qui l'attendait. Il y a des touches d'humour comme souvent chez Besson, mais aussi des combats sanglants. Milla Jovovich excelle et a l'air continuellement perturbée et sur le bord de la crise et la jeune actrice choisie pour la jouer enfant est également excellente. La musique d'Eric Serra s'est adaptée au contexte et accompagne bien le récit. Le film passe rapidement et j'aurait bien aimé en savoir plus sur Jeanne. Mario Giguère

  JESSICA FOREVER - Caroline Poggi & Jonathan Vinel avec Aomi Muyock, Sebastian Urzendowsky, Augustin Raguenet, 2018, France, 97m

Dans un futur où jeunes hommes et adolescents deviennent violents et hors de contrôle, Jessica, une étrange et mystérieuse femme, regroupe une dizaine de jeunes garçons et les entraîne pour contrôler leurs émotions.

Wow, ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais et je ne pense pas pour le meilleur. La base de l'histoire et l'affiche m'ont fait penser à un post-nuke d'action... Eh non. Y'a pas d'action, y'a pas vraiment de post-nuke non plus puisque cette société future semble pas mal semblable à la nôtre. Je me suis demandé comment je me sentais tout le long que j'ai regardé la chose, ce qui j'imagine devait être le but, mais ce trip visuel m'a apparu plutôt trompeur et pompeux. Trompeur parce qu'on vend le film pour quelque chose qu'il n'est pas, pompeux parce que merde... toute cette histoire de jeunes hommes qui se réinventent dans un style complètement méditatif, meehh. Je comprends le propos sur la masculinité et le machisme toxique, mais j'ai peiné à être intéressé par le traitement. Le visuel passe devant le narratif et peut-être que ce sera pour vous, ce n'est pas pour moi et je me suis passablement ennuyé. Abba


Alain Robbe-Grillet

Le JEU AVEC LE FEU - Alain Robbe-Grillet, 1975, France 

Alain Robbe-Grillet est un intellectuel français surtout connu pour avoir théorisé le nouveau roman dans les années 50/60. Il prêchait la déconstruction de l'intrigue et des personnages, l'effondrement des rapports espace-temps, afin, prétendait-il, de mieux rendre le flux des pensées et de la perception humaines. Évidemment, l'hyper-réalisme finit par entraîner l'hallucination, et c'est ce qui est arrivé à Robbe-Grillet, entre autres avec son roman Dans le labyrinthe.

Les années 60 se sont amorcées avec le scénario de L'Année dernière à Marienbad, qui a connu un grand succès, puis, dans le même style cryptique et glacial, L'Immortelle.

En 1965, Robbe-Grillet amorçait le second volet de sa carrière, consacré à la démolition/exploration des genres populaires contemporains : érotisme, SM, espionnage, polar, fantastique... Il allait s'acharner de manière obsessionnelle à utiliser ce matériau brut pour en extraire un suc fantasmatique et tordu. Sans doute pour cette raison, les universitaires ont pris l'habitude de négliger cette part de son œuvre et de faire comme si Robbe-Grillet n'avait rien écrit après 1963...

Réalisé en 1975, Le Jeu avec le feu s'inscrit dans la lignée de ces œuvres curieuses et très déconstruites. On pourrait établir des parallèles avec des réalisateurs comme David Lynch pour l'atmosphère étrange et déconcertante, mais Robbe-Grillet est plus formaliste et complexe, prenant l'habitude de bourrer ses films de références à la culture érudite.

Le film a pour sujet l'enlèvement (réel ou imaginaire) d'une jeune fille, conduite dans un bordel de luxe pour satisfaire les caprices de clients dépravés. Son père devra acquitter la rançon s'il ne veut pas que son enfant soit brûlée vive.

Derrière ce scénario mi-sadien mi-pulp, l'auteur s'amuse à des variations souvent intéressantes (à la manière d'un Bunuel derrière période) où il donne libre cours à son sens de l'humour, parfois absent de ses films antérieurs (L'Homme qui ment). Il s'agit bien entendu d'un cinéma intellectuel et un peu hermétique qui ne satisfera pas nécessairement les fans de cinéma " populaire ", car Robbe-Grillet s'attarde à dynamiter la structure narrative et à se moquer des clichés.

Le film s'était bien vendu à l'époque grâce à des promesses d'érotisme (dues entre autres à la présence au générique de la pourtant peu attirante Sylvia Kristel, forte du succès remporté par l'adaptation filmée d'Emmanuelle), de mystère, grâce aussi à la réputation de son auteur, qui venait apporter une caution intellectuelle à un sujet osé. L'acteur Jean-Louis Trintignant était aussi une valeur sûre. On suppose que le public (un certain public, du moins, venu voir le film pour les mauvaises raisons) n'en eut pas pour son argent et sorti un peu vexé de ce délire parfois cryptique.

Après tout, peut-on en dire moins d'un film dont l'humour élitiste nous vaut des blagues du genre : " Vous confondez métalepse et hypotypose " ? Soyez donc prévenus que le jeu avec le feu n'est pas seulement celui des personnages qui s'aventurent sur le terrain miné des perversions sexuelles, mais aussi celui du réalisateur qui s'amuse, littéralement à jouer avec le feu, au risque de brûler la patience de son public...

Ces considérations étant posées, il s'agit sans doute du plus accessible film de Robbe-Grillet (avec La Belle captive), et l'un de ceux que j'ai le plus appréciés. Howard Vernon

Un JEU D'ENFANT - Laurent Tuel, 2001, France

Une famille française avec deux enfants (un garçon et une fille) et à la situation plus que confortable voit son quotidien mystérieusement bouleversé suite à la visite d'un frère et une soeur d'une soixantaine d'années venus jeter un oeil à l'appartement de leur jeunesse. Dès cet instant, les choses vont aller de mal en pis: la baby-sitter se suicide, le père pète un câble au boulot, la mère s'envoie en l'air avec le plombier, et tout ceci sous le regard faussement innocent des deux enfants. Pour une raison inexpliquée, les vieux du début se trouvent être les deux jeunes enfants responsables des maux de leur entourage, ce qui est une évidence dès le début du film...

UN JEU D'ENFANT se veut un film étrange et déroutant avec un petit quelque chose entre un film de David Lynch et un épisode de Twilight Zone, mais il ne parvient ni à intriguer ni même à intéresser. L'aspect surnaturel est malheureusement maladroitement intégré et n'a au final absolument aucun sens; de plus, toutes les questions que suscitent l'intrigue sont définitivement laissées sans réponse. Il s'agit là du premier projet Bee Movies, à savoir du cinéma fantastique à la Française. Bee Movies a engendré quelques titres, dont BLOODY MALLORY et le plutôt bon MALEFIQUE, seul titre de gloire à ce jour. Kerozene

JEUNE FILLE LIBRE LE SOIR aka Babysitter - Un maledetto pasticcio aka Wanted: Babysitter - René Clément, 1975, France/Italie/Allemagne

Aka :don't waste your time and money on that french-italian garbage. Mouni

J'IRAI COMME UN CHEVAL FOU - Fernando Arrabal - 1971

Voici un des films que tous les amateurs de trash, bis, Z, horreur, etc... devrait avoir vu!

On peut carrément parler d'ovni cinématographique à son égard! C'est "l'histoire" d'un type poursuivi par des flics qui veulent le descendre et qui échoue dès le debout du film dans une sorte de désert habité par un nain curieux (l'acteur est fabuleux). Celui-ci commande aux animaux et au soleil et détient d'autres pouvoirs incroyables, mais n'a jamais vécu dans le monde tel que l'on connaît.

Le fugitif va alors tomber pratiquement amoureux de ce nain, et tente de l'intégrer au monde moderne.

C'est donc la parabole du petit prince complètement revisité par Arrabal qui a travaillé avec Salvador Dali, et ça se sent! L'histoire entière est entrecoupée d'images surréalistes, sexuelles ou sanglantes, et tout ce qu'il se produit dans ce film est bizarre et surprenant! On voit même la mère du mec dans un souvenir d'enfance traumatique se faire éjaculer sur la gueule, provocant un dommage irréparable dans l'esprit du fiston.

Ce film est extrêmement beau, et dégage une atmosphère poétique malgré ce déluge d'images dingues.

Ajoutons que le final cannibalesque est un grand moment d'anthologie particulièrement vomitif, mais je n'en dis pas plus sur cette oeuvre incroyable. A vous de voir! Franfran

JOE CALIGULA aka Joë Caligula : Du Suif Chez les Dabes - José Bénazéraf, 1966, France, 1h13 

La Bande de Joe n'a pas grand chose à perdre; ils sont jeunes, désespérés, nihilistes, et prêts à tout pour "vivre rapidement et mourir jeunes". Ils se baladent en voiture, organisent des petits coups pendables, terrorisent des criminels établis par leur culot et leur violence, et ne crachent pas sur une soirée au café local à jouer au flipper en nourrissant le juke box. Jeunesse typiquement sixties en France, caressée par l'oeil inquisiteur de Bénazéraf qui s'essaie au polar.

Le résultat est bien sûr très éloigné du conventionnel : dialogues étranges, caméra surprenante, acteurs dirigés vers des extrêmes où on ne s'attend guère à les voir plonger. Gérard Blain campe ici un chef de gang crédible, typé, au look "jazz" et à la sexualité schizophrène; surprotecteur envers sa mignonne petite soeur, qui larcine avec lui et ses potes, il se tape aussi des vieilles dames, et on soupçonne qu'il ne dédaignerait pas embrocher vif sa soeurette. Ses hommes sont gouailleurs mais leur personnalité est vague, et ils se contentent de demeurer sous les ordres de leur chef trapu, de petite stature, ce Blain qui fut le BEAU SERGE (1958 de Chabrol, qui but deux fois de la soupe en '63, AU POULET et LA BONNE, et qui fut en gros un gangster idéal du cinéma français, principalement actif au cours des années '60.

Le gang de Joe frappe principalement un groupe de criminels vieillissants, enveloppés dans leurs méthodes traditionnelles et qui ne voient pas le coup venir. Leur vengeance sera cinglante, après bien sûr le délai réglementaire pour "encaisser le coup". Junie Astor, une routinière du grand écran active depuis 1933, en met ici des tonnes. Sans doute à cause de sa formation qui paraît davantage "théâtrale" que cinématographique... Voilà une surenchère que Bénazéraf n'aura pas jugé utile de corriger, sans doute. D'ailleurs, Astor semble avoir terminé sa carrière avec des coups fumants; outre les deux "Interpol" dans lesquels elle a tourné et ce JOE CALIGULA mythique, ses deux derniers titres sont LES VIOLENTS (58 et CADAVRES EN VACANCES (63), ce qui me semble assez éloquent.

La violence employée par les gangsters de JOE CALIGULA n'a d'égale que cette obstination qu'a longtemps eu la censure française à oblitérer l'existence de cette oeuvre, qui devait à l'époque représenter une sacrée baffe en pleine gueule des spectateurs, mais qui de nos jours semble bien inoffensive, quoique immensément divertissante. Orloff

JOURS TRANQUILLES A CLICHY - Claude Chabrol avec Andrew Mac Carthy, Nigel Havers, Barbara de Rossi, Stéphane Audran, Stéphanie Cotta, Anna Galiena, Mario Adorf, 1989, France/Italie/Allemagne, 2 plombes

J'aperçois hier soir Claude Chabrol dans une émission télé. Comme il confesse visionner occasionnellement quelques X, on lui demande si l'envie d'en tourner ne le taraude jamais. " J'ai déjà tourné Jours tranquilles à Clichy où je suis allé jusqu'au bout de ce qui était montrable avant la pornographie " explique-t-il "...  et puis j'ai aussi fait quelques films érotiques pas très bons. "

Évidemment, ni une ni deux, je décroche la pioche, j'empoigne la lampe de poche et je fonce mettre des coups dans les buttes de VHS entassées au fond de mon 34 mètres carrés. Euréka la boiboîte : " une soirée peinarde à Amiens " en perspective.

Il s'agit donc d'une adaptation du fameux roman d'Henry Miller, nous suivont l'écrivain américain, jeune, avec sa chemise blanche et ses lunettes rondes, qui déboule dans un Paris des années trente en grossier carton pâte (j'espérais presque le voir croiser Casimir de l'île aux enfants) : il se rend à des soirées libertines dans des cabarets farcis de trucs en plumes, il rentre tripoter la remington dans un appartement décoré avec des posters de Marcel Proust, il repart aux dames vérifier des nichons, il pédale en vélocipède sur les falaises d'Etretat, il squatte dans un atelier de photos cochonnes, il se met une tête au rouge qui tâche avec son poteau Julot, il sort une phrase dans le style " j'aime l'amour pendant que je le fais, mais après j'ai l'impression que je suis mort ", il esquive une manifestation de communistes (une bande de quatre) poursuivis par la gendarmerie à cheval (autant de chevaux que de communistes), il cavale une enfant de quinze ans (une actrice petite avec des couettes), il négocie son manuscrit auprès de Mario Adorf qui lui conseille d'écrire plutôt des Hercule Poirot, il se douche avec entrain chez une professionnelle, il roule dans une Panhard piquée aux brigades du tigre avec le vent dans les cheveux, il fait des clins d'oeil à une rousse, il ouvre les volets d'une maison de campagne, il prend des notes au sujet de la révolution russe de 1917 racontée par une aristocrate qui se caresse le frou-frou, il bavarde sans cesse en français pénible avec un accent breton digne d'une pub de cosmétique, et vers la fin deux chinoises soulèvent leur jupe.

En outre survient un effet " à la citizen kane " : on le retrouve grimé en vieillard en train de claboter dans une chambre, en compagnie d'une gamine fraîchement rasée sous les aisselles (voir la jaquette et probablement l'affiche du film), il se retient de lâcher le " rosebud " entre ses dents.

Les femmes voilées en noir qui, par intermittence, avancent lentement dans un paysage de désert flouté, doivent figurer la mort qui tue en général tout à la fin.

La distribution internationale - un groupe de têtes d'afffiche en chute libre - est débarquée au milieu d'actrices peu frileuses. Comme d'habitude chez Chabrol maintenant, on retrouve sa famille partout (musique, distribution), dont son ex-femme Stéphane Audran.

Le film est souvent éclairé au néon, ce qui m'a vivement rappelé l'ambiance joyeuse du bureau. 

Pendant les deux heures longuettes, je me suis dit que je ferais mieux de revoir " Lune de fiel " de Polanski, qui navigue dans les mêmes eaux, m'enfin faudrait retourner à la pioche.

En conclusion : pleins de bonnes intentions, qui ciblent probablement le troisième âge - inconditionnel des années trente -, et puis les étudiants en faculté de lettres modernes qui se dispenseront donc d'en chercher davantage au sujet d'Henry Miller et de Marcel Proust.

Sinon au milieu des fouilles j'ai aussi remis la main sur " Alice ou la dernière fugue " de 1977 avec Sylvia Kristel, mmmmmh on verra plus tard. Bigeyes

Le JUGE - Philippe Lefevre avec Jacques Perrin, Richard Bohringer, Daniel Duval, Andrea Ferreol, Michaël Lonsdale, France, 1984, 1h45

Inutile d'en écrire très long sur l'intrigue : ici, nous avons en vedette un juge incorruptible qui va fourrer son nez dans des affaires nauséabondes et en risquer sa peau...

Il existe plusieurs critères d'évaluation pour un réalisateur de polars, parmi lesquels l'aptitude à filmer les scènes de filature. Pour être efficace, une filature doit être discrète. Sa traduction à l'écran obéit aux même règles. Sinon, le spectateur ne "marche" pas. A ce petit jeu, Philippe Lefèvre fait merveille avec ce JUGE. La longue séquence dans laquelle les Stups suivent une voiture chargée d'héroïne des quais du port au centre-ville est un modèle du genre. Le reste du film n'est pas mal non plus.

Inspiré de l'assassinat du juge Michel en 1981 à Marseille, mais de loin seulement (la famille du défunt magistrat craignant de remuer trop de m....), ce polar vaut surtout pour ses personnages, habilement nuancés. Müller le juge (Jacques Perrin), Innocenti le flic (Richard Bohringer) et Rocca le truand (Daniel Duval) ne se réduisent pas à des archétypes, ils existent et prennent vie dans un décor urbain très bien rendu par une mise en scène simple mais efficace. On pense à des réussites italiennes de la décennie précédente, telles que LA POLICE A LES MAINS LIÉES de Luciano Ercoli, ou UN JUGE EN DANGER de Damiano Damiani (parenté encore renforcée par la partition de Luis Enriquez Bacalov). Jacques Perrin humanise bien son incorruptible de juge. Richard Bohringer, encore jeune et svelte (comme le temps passe...) campe un flic à la limite du privé de film noir. Son jeu très "free-jazz" nous arrache quelques sourires. Enfin, Daniel Duval rappelle qu'il fut LA sale gueule du cinéma français du début des années 80. Rien de bien transcendant toutefois, mais on passe un très bon moment. Stelvio

Phrase culte : "Le jour on se dispute, la nuit on discute. C'est ça Marseille !"

JUSTINE DE SADE - Claude Pierson, 1971, France/Italie/Canada   

1972. Alors que certains pays entament leur entrée officielle dans le cinéma porno, la France, elle, est encore cantonnée à l'érotisme. Un érotisme de plus en plus exacerbé comme en témoigne le croustillant film de Claude Pierson, un réalisateur qui œuvrera d'ailleurs activement dans le X par la suite. L'introduction du film a de quoi surprendre : sur des gravures du XVIIIe, une voix off nous résume très succinctement la vie mouvementée du Marquis de Sade avant de nous avertir que ce qui va suivre n'est en aucun cas une histoire vraie mais une compilation un rien exagérée de ce qui trottait dans l'esprit de ce gros pervers. Un peu comme si les auteurs dudit film souhaitaient se laver les mains de toutes responsabilités. Ces propos ne manquent pas de faire marrer le spectateur qui au moins sait à quoi s'attendre. Et c'est alors que nous faisons la connaissance d'une fille qui se fait appeler Justine (Alice Arno). Visiblement naïve et un rien nunuche, la belle répond à la demande d'une femme ayant gagné ses galons dans la haute société grâce à un appétit sexuel vorace et un manque de morale à toute épreuve. Tout le contraire d'une Justine qui n'aspirait qu'à une vie chaste et pure, dans le respect du droit divin, mais dont la misérable existence ne fut qu'une succession d'éprouvantes rencontres lors desquelles elle fut humiliée, battue et violée. C'est donc son récit qui nous est illustré ici et qui nous permet d'observer Alice Arno sous toutes les coutures aux prises avec des bandits sodomites, des homosexuels sadiques et taquins, des bourgeois possessifs, des gredins esclavagistes, et même des religieux méchamment dévergondés qui entretiennent un harem rempli de femmes soumises. Au cours de ses rencontres, Justine qui est au départ pure va faire preuve d'un manque de chance inouï. Elle va connaître absolument tout des pratiques sexuels les plus variées, va tomber amoureuse d'un homme qui n'a d'yeux que pour les hommes et qui songe au matricide, va être témoin d'inceste et va subir diverses tortures avant de contribuer aux phantasmes déviants d'un adepte de l'étranglement. De la à dire que Justine est le Pierre Richard du film de fesses, il n'y a qu'un pas.

L'histoire est évidemment tragique, mais le film est carrément divertissant. D'abord parce qu'on prend un malin plaisir à voir Alice Arno s'en ramasser plein la face (et les fesses), ensuite parce que Pierson y injecte tout de même une bonne dose d'humour décalé en poussant les traits de ses protagonistes vers la caricature. Sans compter l'hallucinante naïveté de la pauvre Justine qui en devient presque ahurissante, et combinée au jeu plutôt approximatif d'Arno c'est encore plus poilant. De plus, tout cela très joliment filmé par Jean-Jacques Tarbès dont la carrière de chef op oscillera entre les cochonneries de Pierson, les films avec Alain Delon et quelques titres de Claude Zidi. Tant d'arguments qui font de JUSTINE DE SADE un film nettement supérieur à la version signée Jess Franco, tant au niveau de l'image et de l'histoire que de l'érotisme. Un petit classique, en somme. Kerozene

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