LA GAZETTE DU CLUB DES MONSTRES |
NUMÉRO 121
par Jean-François Berreville
HOMMAGE À GEORGE ROMERO Le réalisateur George Romero, disparu le 16 juillet 2017, a consacré sa carrière à mettre en scène des créatures maléfiques, même si on ne peut pas à proprement parler les qualifier de monstres, les morts-vivants. La figure nétait certes pas inédite au cinéma, avec les envoûtements de The White Zombie puis de Linvasion des morts vivants (A plague of the zombies) dans lesquels la technique apprise du vaudou permet de disposer dune main duvre corvéable à merci Romero dira sêtre notamment inspiré du second. Néanmoins, dans ces deux films, conformément au folklore haïtien, les morts-vivants ne sont principalement que de pauvres créatures dont toute volonté a été subtilisée par leur maître. Le réalisateur indépendant, qui tournera ses films dans sa ville de Pittsburgh à lécart du système hollywoodien, nen retient que lidée de horde de morts-vivants à la déambulation claudicante, ayant perdu toute humanité mais mus par une force sauvage tournée entièrement vers lanthropophagie, comme si seule la consommation de la chair de congénères vivants était susceptible de prolonger leur semblant de vie. La Nuit des mort-vivants (The Night of the living dead), tourné en 1968 en noir et blanc, frappe le spectateur par sa dureté, sa peinture sans concession passé le prologue un peu loufoque dun monde qui nest plus que violence, avec des survivants assiégés par des masses affamées de morts-vivants que la terreur pousse à sentre-tuer, jusquau paroxysme, avec la fillette contaminée qui tue sa mère et dévore ses parents, tel un documentaire brut, sans dramatisation étudiée, sans emphase musicale, qui ne propose aucune distanciation au spectateur, et qui sapparente moins à un spectacle quà un témoignage sans fard dune horreur sans limites. Lultime survivant est abattu par une milice qui le prend pour un zombie. Le second volet tourné en couleur en 1978, Zombie (Dawn of the dead), est fort différent, avec son rythme plus lent, semblant étiré presque à lexcès, dans lesquels quelques survivants se sont établis dans un supermarché délaissé, avant de devoir faire face à un gang de voyous (dont le chef est interprété par le maquilleur Tom Savini, traumatisé par son expérience de photographe au Vietnam, qui dit être contraint de réaliser de lhorreur sanguinolente factice pour exorciser celle insoutenable dont il fut le témoin et qui joue aussi dans Une nuit en enfer de Robert Rodriguez, autre film dailleurs à lintérêt discutable), puis au déferlement des morts vivants avides, satire implicite de la déambulation des consommateurs dans une grande surface, préambule à un déferlement dimages sanglantes. Nen subsiste principalement que linquiétante découverte dans les sous-sols dun immeuble de populations précarisées décaties festoyant de restes humains, le court moment un peu glaçant dans lequel un des protagonistes mordu commence à sentir sa température baisser et supplie quon le tue avant de devenir à son tour un mort-vivant, et le slogan assez marquant de laffiche : « Quand il ny a plus de place en Enfer, les morts reviennent sur Terre ». Le dernier volet de la trilogie, Le jour des morts-vivants (The Day of the dead) en 1985, est encore dun style un peu différent, dépeignant de manière assez prenante les dissensions qui opposent militaires et scientifiques travaillant à apprivoiser un mort-vivant dans une base souterraine, jusquà ce quun illuminé, dans un moment de délire mystique, ouvre la trappe permettant à la foule qui les assiège de sengouffrer dans le réduit et dy faire un carnage. Seuls quelques survivants parviennent à senfuir en hélicoptère, trouvant un nouveau refuge dans une île tropicale, sur fond dune musique traduisant latmosphère détendue de ce havre paradisiaque dans un épilogue qui tranche étrangement avec le ton du reste de luvre, comment une touche humoristique qui renverait à celle de louverture du premier film. George Romero a aussi réalisé Creepshow en 1982, un film à sketchs basé sur des histoires de Stephen King qui incarne lui-même un des protagonistes, mais la plupart de ses films dépouvante, comme Incidents de parcours (Monkey shines) en 1988 sur un singe capucin meurtrier, et La Part des ténèbres (The dark half) en 1992, cependant généralement prisé des critiques, nauront pas la même notoriété que sa trilogie, tandis que les zombies, notamment dans le cinéma italien, vont se banaliser. Alors que lhorreur sans fard des morts-vivants redevient actuellement un véritable phénomène au travers de la série Walking Dead, avec ses maquillages très crus conçus par KNB, laquelle suscite un véritable engouement et se situe clairement dans lhéritage des films de Romero, il ya comme une cruelle ironie à voir le public focaliser toute son attention sur ces morts-vivants, à une époque dans laquelle les informations télévisées sont de plus en plus souvent amenées à rendre compte des actions dindividus dont le cerveau paraît ne plus être rempli que de la rage de tuer ou mutiler indistinctement hommes, femmes, enfants, vieillards, et nous ne saurons pas si cette triste vague aurait inspiré au réalisateur quelque nouvelle uvre.
Le chef de la base militaire n'apprécie pas trop les expériences des chercheurs du Jour des morts-vivants.
Jean-François Berreville Le blog de Jean-François Berreville creatures-imagination.blogspot.com |
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