LA GAZETTE DU CLUB DES MONSTRES |
NUMÉRO 97
par Jean-François Berreville
ALIEN DE NOUVEAU ORPHELIN Après la disparition du scénariste dALIEN, Dan OBANNON qui avait imaginé lhistoire de la célèbre créature de lespace, puis celle du spécialiste des effets spéciaux mécaniques qui avait agencé la tête du monstre extraterrestre, Carlo RAMBALDI, à la suite desquelles on avait consacré à lépoque un hommage, cest à présent lartiste qui avait imaginé son apparence qui sest éteint le 12 mai 2014 à Zurich, en Suisse, des suites dune mauvaise chute à lâge de 74 ans. UNE UVRE EMPREINTE DE SCANDALE Artiste suisse né le 5 février 1940 à Chur, Hans Rudi GIGER est fils dun pharmacien dallure assez austère dont le souhait de transmission de son officine ne dissuadera pas le jeune garçon passionné par le fantastique et lart de se lancer dans des études artistiques à Zurich de 1962 à 1970. Même si le dessin industriel nintéresse que modérément le jeune étudiant, sa formation lui permet de se familiariser avec des techniques comme le maniement de laérographe qui lui seront utiles pour le rendu de ses peintures. Décorateur figurant dans lannuaire, il na jamais été contacté à sa grande satisfaction, préférant employer son temps à peindre des toiles, souvent inspirées de cauchemars personnels. Hans GIGER semble fasciné par lextrême et linterdit. Passionné par les armes à feu, il les forge lui-même au point davoir failli faire sauter latelier de préparation de son père alors quil coulait le plomb dans la cave, et il est passé près de la mort à plusieurs reprises alors que des proches lui tiraient dessus avec des armes censées être inoffensives. En dépit dun certain intérêt pour le puritain auteur Howard Philip LOVECRAFT et ses entités cosmiques qui lamènera à intituler « Necronomicon » certaines toiles du nom du livre maudit imaginaire inventé par lécrivain, auquel le peintre suisse semble accorder quelque réalité - les sources principales de son inspiration sont plus prosaïquement le sexe et la mort. Sil est bien un artiste qui donne corps à la rencontre supposée par les psychanalystes entre « Eros et Thanatos », cest bien le peintre suisse, les deux se retrouvant souvent associées à laccouchement, et occasionnellement à des connotations blasphématrices antichrétiennes. Lartiste est sulfureux et sa peinture détaillant un coït pour la couverture du groupe de rock « The dead Kennedys » exposée en 1978 à New-York a fait scandale, certains estimant quil relevait davantage de la pornographie que de lart, même si la justice na finalement pas demandé linterdiction de présentation au public. GIGER accumulait dans son garage des squelettes danimaux et nhésitait pas à se fournir auprès des bouchers en pièces osseuses pour confectionner ses artefacts, comme ceux de sa salle spéciale, « le train fantôme », où il emmenait souvent des jeunes filles avec des intentions que sa timidité lempêchait souvent de concrétiser. Un autre élément encore des peintures de GIGER, qui nest peut-être pas sans rapport avec sa formation, est linclusion déléments mécaniques, industriels, combinés à des formes plus organiques, les ossements se mêlant au métal pour forger un style quil a lui-même qualifié de « biomécanique ». On peut évoquer aussi quà la suite de la dépression et du suicide de sa première compagne, Li TOBLER, il fut reproché à GIGER davoir contribué à cette tragédie par lunivers morbide dans lequel il vivait. LE RAPPROCHEMENT AVEC LE MONDE DU CINEMA Sintéressant à la culture populaire sous toutes ses formes, il réalisa aussi bien des couvertures de disques comme pour la chanteuse Blondie ( Debbie HARRY, qui interprétait par ailleurs la brune sophistiquée à la poursuite de laquelle sélançait le personnage principal du film VIDEODROME de David CRONENBERG) que des tableaux, et envisagea aussi très rapidement les possibilités offertes par le cinéma. Son compatriote Fredi MURER qui avait fait un documentaire dune durée de dix minutes sur ses tableaux, réalisa en 1968 SWISS MADE, sujet portant sur la terre vue par un extraterrestre, pour lequel GIGER construisit le costume comportant un casque intégrant une caméra ainsi quun second pour son animal de compagnie interprété par un chien. MURER réalisera par la suite un autre documentaire sur les visions de GIGER, PASSAGES, avant de partir pour lAngleterre et de se tourner vers la réalisation de drames réalistes.
Les circonstances permirent ensuite à lintérêt manifesté par Hans R. GIGER pour le cinéma de trouver des débouchés plus fastueux; sa notoriété internationale incontestable va lui être apportée par la conception dun monde extraterrestre pour le film de science-fiction ALIEN. LA CONSÉCRATION EN UN FILM A lorigine lointaine de la séquence dévènements qui lont conduit à appliquer son art à cette importante production, se trouve la volonté du cinéaste chilien Alejandro JODOROWSKI dadapter au cinéma le roman de science-fiction de Frank HERBERT, DUNE. A lépoque, il envisageait de confier le rôle de lEmpereur de lunivers connu à une personnalité excentrique, le peintre surréaliste espagnol Salvador DALI. Ce dernier, qui connaissait Hans GIGER par lintermédiaire dun autre peintre, Robert VENOSA, présenta aux représentants de la production venus à Cadaquès certaines uvres du peintre suisse qui fut ainsi engagé comme artiste conceptuel en charge notamment dimaginer larchitecture baroque et inquiétante de la planète gouvernée par le Baron Harkonnen alors censé être interprété par Orson WELLES. Le projet trop coûteux fut abandonné puis repris par le producteur Dino de LAURENTIIS qui prévoyait den confier la réalisation au metteur en scène britannique Ridley SCOTT, pour le compte duquel GIGER poursuivit son travail.
Alors que le film en était toujours à létape de développement, Ridley SCOTT sintéressa à une autre entreprise, une histoire dextraterrestre terrifiante imaginée par le scénariste Dan OBANNON. Insatisfait des conceptions proposées pour concrétiser le monstre, Dan OBANNON se souvint alors des peintures morbides de GIGER dont il était familier depuis la tentative dadaptation de DUNE dont il était partie prenante en tant que créateur d'effets spéciaux et saccorda avec Ridley SCOTT pour le recruter. Le peintre suisse aura la charge de concevoir tous les éléments extraterrestres du film, le planétoïde dont les rochers tourmentés sont basés sur des ossements, lépave inconnue échouée à la silhouette étrange, aux formes courbes et à laspect organique, son pilote au corps ossifié, et les trois stades de développement du terrifiant passager clandestin qui décime léquipe du Nostromo. Si le monstre adulte est pratiquement repris en létat dune toile préexistante, la première forme qui agrippe un explorateur trop aventureux pour ne plus le relâcher, le « face hugger », est passé par plusieurs révisions, dabord un étrange animal aux longues pattes articulées et à la tête de dindon, puis le remplacement du corps par une sorte de ver annelé, la contamination de lhôte se faisant non plus par la mâchoire en forme de tenaille mais par une sorte de trompe ventrale, enfin la quasi-disparition du corps lui-même, la créature étant réduite à une sorte de main osseuse dont les pattes apparaissent comme de longs doigts effilés, conservant la trompe ventrale inséminatrice. Initialement, la tête du monstre adulte devait être très morbide, GIGER ayant proposé que le squelette du crâne puisse être visible par transparence mais lidée fut finalement abandonnée car le résultat ne fut pas jugé suffisamment satisfaisant.
Les connotations sexuelles quant à elles ne sont pas nécessairement évidentes dans le film, bien quelles furent partie intégrante de lélaboration de lunivers extraterrestre. Pour luf contenant la forme infestante, GIGER avait basé louverture sur la morphologie dun sexe féminin. Afin déviter que ce caractère soit trop explicite, lartiste a finalement démultiplié cette ouverture, de manière à ce quelle devienne cruciforme lépave conserve par contre trois orifices très organiques qui rappellent des ouvertures vaginales. Afin de rendre évident son caractère dorganisme inséminateur, lartiste avait conféré au premier stade de lextraterrestre deux énormes gonades, qui subsistent dans la version finale mais sous une forme édulcorée, des poches plus anodines. La tête effilée du monstre adulte lui conférant lapparence profilée dun dauphin provient dune peinture préexistante dans laquelle le crâne oblong est explicitement calqué sur un sexe masculin avec sa partie oblongue terminale caractéristique venant coiffer larrière du crâne. La première partie dALIEN relative à lexploration du vaisseau extraterrestre rend réellement justice à la vision de lartiste, donnant une réalité tangible à ce monde radicalement différent du nôtre. GIGER se voit gratifié en 1980 dun Oscar au même titre que les principaux responsables des effets spéciaux dALIEN. La réputation sulfureuse de lartiste subsiste malgré cette consécration; le cadavre géant fossilisé du pilote extraterrestre vu dans le film est incendié par un fanatique religieux, alors même que la sculpture en tant que telle est pourtant exempte de connotation sexuelle ou antireligieuse.
DES RELATIONS OMBRAGEUSES AVEC LE 7EME ART Le peintre suisse continuait régulièrement duvrer sur le développement de DUNE, définissant notamment laspect du Ver géant pourvoyeur de lEpice sur Arrakis, lorsque Ridley SCOTT le prévint que le producteur Dino de LAURENTIIS, toujours insatisfait de lévolution du projet, avait décidé de reprendre tout le processus avec sa fille Rafaëlla. Lassé devant la perspective toujours repoussée dun tournage, Ridley SCOTT finit par se désengager du projet pour tourner BLADE RUNNER.
Ayant conservé son intérêt pour lentreprise, et admirateur du cinéaste David LYNCH choisi par les producteurs de DUNE pour mener à bien le monumental projet, avec une équipe renouvelée dartistes conceptuels, Hans GIGER se montra désireux de travailler avec le nouveau réalisateur, mais ses demandes restèrent sans suite. On lui laissera finalement entendre que David LYNCH aurait conçu de lanimosité à son égard en estimant curieusement que le petit monstre qui sextirpe du corps de Kane dans ALIEN, le « chest burster » qui représente la forme ftale de lextraterrestre adulte, était indûment inspiré du rejeton monstrueux quil avait créé lui-même pour son film ERASERHEAD. GIGER fut chargé de concevoir lesthétique et les créatures du film THE TOURIST que devait réaliser Brian GIBSON, dans lequel diverses espèces extraterrestres bannies de leurs mondes respectifs sont soumises à des expériences dans un hôpital de New-York. Le projet naboutit pas, le studio Universal préférant investir financièrement dans un projet concurrent E.T. LEXTRATERRESTRE (E.T. THE EXTRATERRESTRIAL). Après lexpérience malheureuse de THE TOURIST, Brian GIBSON fit de nouvel appel à GIGER lorsquil se vit confier la réalisation de POLTERGEIST 2, un second épisode dans lequel la famille Freeling est tourmentée par des forces occultes, cette fois sous la forme dun révérend maudit. Cette fois, le projet est loccasion pour lartiste de faire primer linspiration morbide, avec corps déformés et visages décharnés, sur les penchants libidinaux, et GIGER réalisa de nombreuses toiles consacrées aux différentes incarnations de lâme damnée, sous forme dectoplasme, de ver maléfique sintroduisant dans une bouteille de tequila pour posséder de lintérieur le père de famille dont il convoite lâme radieuse de sa fillette, puis la forme en mutation quil devient une fois recraché, laberration semi-anthropomorphe en laquelle il se change, puis la « grande Bête » dont la tête est ornée de tentacules rappelant la gorgone et le tronc composé des visages torturées des âmes quil a entraînées avec lui. Son goût pour lirrévérence religieuse trouve à sillustrer au travers de son ultime incarnation, la créature se mettant la tête en bas et se changeant en une sorte de crucifix renversé. Cette dernière vision nest cependant pas illustrée dans le film, et la première apparition grotesque et satanique du monstre, « la Bête de fumée » au travers de lévocation ésotérique du prologue par le chaman indien apparaît à lécran sous une forme très édulcorée; ces deux écarts davec son travail, auxquels on peut ajouter une vision plus tourmentée du monde de lau-delà, un vortex constitué dun enchevêtrement de bras, absente du film, rendirent Hans GIGER marri du rendu de sa collaboration au film, dautant plus que son sculpteur attitré Conny de FRIES qui avait réalisé les modèles des monstres à partir de ses peintures n'avait pas obtenu dautorisation pour venir travailler aux Etats-Unis sur la production .
Lartiste suisse savoua dautant plus frustré qualors quil se consacrait à POLTERGEIST 2, il apprit quune suite dALIEN était en chantier et que son auteur, le réalisateur James CAMERON, avec le concours du créateur deffets spéciaux Stan WINSTON, avaient souhaité se passer de ses services afin dappliquer à la créature leurs propres concepts, notamment en concevant la Reine, une créature hexapode géante inspirée de celle existant chez les insectes sociaux. GIGER maugréa alors au sujet de POLTERGEIST 2 quil nétait « pas au travail sur le bon film ». Si GIGER conçut un démon pour le film japonais TOKYO, THE LAST METROPOLIS en 1988, nombre dautres contributions au domaine du cinéma naboutirent pas. Il espérait la même année travailler de nouveau avec Ridley SCOTT sur DEAD RECKONING, renommé THE TRAIN, une histoire de train transportant des corps en animation suspendue dans lequel une créature humanoïde avec un cerveau modifié génétiquement semait la destruction. Malgré ses esquisses, le film ne vit pas le jour même lorsque rebaptisé ultérieurement ISOBAR, une forme de vie végétale transgénique substituée au mutant, que devait affronter Sylvester STALLONE, fut construite en vain par Rick BAKER. Le metteur en scène de série B, William MALONE, qui avait mis en scène des créatures visiblement très inspirées dALIEN dans SCARED TO DEATH et sa suite SYNGENOR, ainsi que dans CREATURE (initialement nommé TITAN FIND), approcha GIGER en 1990 et le convainquit de sinvestir dans des projets censés restituer fidèlement à lécran son univers cauchemardesque. Dans THE MIRROR, un miroir triangulaire mène à un monde de créatures biomécaniques qui veulent féconder une femelle humaine. THE DEAD STAR devait plonger le spectateur dans un monde démoniaque où les morts sont ressuscités, sous la supervision dun Satan doté de plusieurs faces et de gigantesques cornes. La modestie des budgets alloués à William MALONE laissait cependant entrevoir peu despoir que ces projets fort ambitieux puissent se concrétiser.
Par ailleurs, GIGER ne parvint pas à intéresser à un projet assez déconcertant, THE MYSTERY OF SAN GOTARDO. Il était question dune organisation militaire ayant créé par manipulations génétiques sous le tunnel du Saint Gottard une armée de soldats réduits à un bras et une jambe; un homme devait devenir amoureux dun de ces êtres réduits à la portion congrue, qui avait développé une forme de conscience. NOUVELLES ATTENTES ET NOUVELLES DÉSILLUSIONS Tout en poursuivant sa carrière au gré des créations artistiques diverses et des expositions, lartiste navait en dépit de ses déconvenues pas perdu tout attrait pour le domaine cinématographique. Evincé dALIENS, Hans GIGER pensa lheure de sa revanche venue lorsquil fut engagé sur la seconde suite en 1992. Le plasticien aspirait à renouveler le concept de sa créature pour ALIEN 3. Le scénario original qui imaginait que durant la phase dincubation, la créature simprègne de certaines caractéristiques de son hôte, de telle sorte que la forme adulte présente une forme quelque peu hybride, poussa à envisager que lAlien issu dun animal adopte la posture quadrupède quelques essais furent dailleurs réalisés par léquipe des effets spéciaux dAlec GILLLIS et Tom WOODRUFF sur des chiens, comme une lointaine réminiscence de SWISS MADE. Durant plus dun mois, encouragé par lassurance du metteur en scène David FINCHER que seuls des modèles robotisés, et non un figurant costumé, auraient la tâche de la représenter, GIGER conçut une créature élégante, dallure féline, dotée de longues jambes. Il se montra désireux den livrer une conception féminisée, en lui prêtant des lèvres charnues féminines, afin que celle-ci délivre réellement « le baiser qui tue ». Il voulait aussi changer la mâchoire intérieure protractile en une langue bordée dépines tranchantes. Enfin, après avoir tenté de justifier la présence des tubes dorsaux - originellement ajoutés pour sécarter de la morphologie humaine - comme équilibrant la longue tête, le peintre fit connaître sa préférence pour leur suppression. Si sur ce point il sera entendu par les créateurs deffets spéciaux dAmalgamated Dynamics, David FINCHER choisit finalement pour lessentiel la cohérence, la créature, en dépit de sa vélocité, restant proche de ses incarnations précédentes au cinéma, ce qui donna à nouveau à GIGER loccasion de déplorer quon nait pas pris en compte ses différentes ébauches.
En 1994, GIGER reçut la mission de dessiner la voiture du super héros pour BATMAN FOREVER, lui donnant une forme de chromosome; trop audacieux sans doute, le concept ne sera pas utilisé. Avec LA MUTANTE (SPECIES), GIGER entrevit une nouvelle opportunité de porter à lécran une de ses créations féminines biomécaniques fantasmatiques, au travers de lhistoire de cette créature issue dun zygote humain mêlé avec de lA.D.N. extraterrestre, capable de changer soudain son apparence en une forme effrayante. Steve JOHNSON qui supervisait les effets spéciaux de maquillage pour la compagnie Boss film de Richard EDLUND, appréhendait les contacts avec GIGER, ayant déjà occupé la même fonction au temps de POLTERGEIST 2, et se rappelant les récriminations de lartiste suisse. Aussi demandait-il à ses collaborateurs de filtrer les appels, ne consentant à recueillir que de temps à autre les longues doléances du concepteur visuel depuis la Suisse.
La créature la plus originale du film, celle apparaissant dans le laboratoire qui est composée à 100% dA.D.N. extraterrestre, na cependant pas été conçue par GIGER mais imaginée entièrement par Steve JOHNSON lui-même, singéniant avec succès à lui appliquer une apparence cohérente avec le style biomécanique de lartiste. Les sentiments de GIGER sur le rendu de sa création furent mitigés. Il se montra particulièrement satisfait de la version mécanique translucide de la mutante Sil portant à sa bouche lextrémité extensible dun mamelon. La première étape de la métamorphose de la jeune Sil en femme adulte lui déplut par contre ; au lieu des vers sortant de la peau de la jeune fille, quil avait même sculptés en silicone et envoyés à Hollywood, léquipe des effets spéciaux préféra des tentacules créés par ordinateur à la place. Une fois les extensions réunies, celles-ci constituent un cocon, réalisé par léquipe de Steve JOHNSON à laide de sachets plastiques chauffés et soudés, lequel eut davantage son assentiment. La conception dimages par ordinateur fut aussi utilisée pour représenter Sil pour certains plans, ainsi que pour donner vie à son rejeton, ce que GIGER désapprouva fortement, estimant à juste titre que ce procédé faisait perdre beaucoup en réalisme et quon aurait très bien pu utiliser les costumes et les versions mécaniques pour réaliser les scènes il faut dire quà lépoque Steve JOHNSON était le premier maquilleur à se montrer séduit par les effets spéciaux engendrés informatiquement, avant de devenir par la suite lun de ses plus grands détracteurs, proclamant sur son site « rubber rules » ( « il ny a pas mieux que le caoutchouc-latex» ).
GIGER décela dans LA MUTANTE la possibilité de conférer son ampleur maximale à sa vision dun train infernal, dont la forme de chaque wagon était basée sur un crâne gigantesque, dont il avait déjà réalisé une version dans sa propriété, et quil avait en tête lorsquil uvrait sur le projet de Ridley SCOTT non concrétisé, THE TRAIN. Dans LA MUTANTE, ce véhicule surréaliste apparaît dans des cauchemars de Sil renvoyant à une mémoire génétique. GIGER se consacra à la construction du train et du décor à Zurich, en Suisse, mais le film nen conserve à son grand regret quun bref plan.
Également échaudé par une rétribution financière quil estimait ne pas correspondre à ce quil lui était dû, ainsi que par labsence de son nom sur la brochure présentant léquipe du film lorsque celui-la fut projeté au Festival de Deauville, GIGER déclara amer quil ne voudrait plus rien avoir à faire avec une éventuelle suite du film à moins quon ne lui proposât de renouveler complètement le concept. Il se retrouva ainsi engagé pour imaginer une version masculine du monstre pour LA MUTANTE 2 (SPECIES 2). Encore une fois, cependant, il se montra déçu par le résultat bien que léquipe de Steve JOHNSON ne ménagea pas ses efforts pour animer la marionnette géante translucide représentant la créature quadrupède surdimensionnée qui rappelle le sphinx légendaire.
Le peintre suisse sétait quelque peu tenu éloigné du cinéma durant ces dernières années. Il eut cependant récemment le plaisir de rencontrer de nouveau Ridley SCOTT, qui le consulta pour la préparation de PROMETHEUS, le film conçu comme une préquelle dALIEN pour lequel lartiste fit quelques esquisses. Il se montra touché que le réalisateur reconnaisse limportance de son approche esthétique dans la création de lunivers bâti autour dALIEN.
GIGER a imposé son style biomécanique dans les différents arts. Au cinéma, son travail sur ALIEN a suscité bien des émules à commencer par les films de William MALONE. Le guerrier du futur de SCARED TO DEATH et SYNGENOR est très proche de lAlien, de même que lextraterrestre de CREATURE. Celui de DARK UNIVERSE nest pas en reste. Le monstre adulte de MUTANT (FORBIDDEN WORLD) évoque un peu une synthèse dAlien avec sa gueule dentée sombre et ses pattes articulées qui sont analogues à celles du face hugger du film de Ridley SCOTT. Quand aux créatures de LINVASION DES COCONS (DEEP SPACE), leur évolution nest pas sans évoquer certains éléments des phases imaginées par GIGER, avec les nouveaux nés aux nombreuses pattes articulées, et ladulte à la peau anthracite, à lénorme gueule carnassière et au crâne allongé. La pyramide de LA GALAXIE DE LA TERREUR évoque celle dALIEN (même si elle renvoie davantage à celle dessinée par Chris FOSS quà celle plus ovoïde peinte par GIGER). Des vaisseaux spatiaux organiques apparaissent quant à eux dans des films comme LIFEFORCE, LINVASION VIENT DE MARS (INVADERS FROM MARS) et BUCKAROO BANZAI. Il nest pas jusquau pistolet apparu au travers même de la chair sur la main de Max Renn (James WOODS) dans VIDEODROME de CRONENBERG qui névoque pas lesthétique biomécanique de GIGER, déclinée par la suite dans des productions extrême-orientales comme le film japonais TETSUO. Lart de GIGER était apprécié au Japon, et il y fit construire les décors de plusieurs bars. Lun deux accueillait les fauteuils des Harkonnen créés pour la tentative dadaptation de DUNE par Ridley SCOTT ; il fut finalement fermé après que la mafia japonaise en eut fait un de ses lieux de rendez-vous privilégiés, illustrant ainsi que lunivers de GIGER était toujours sulfureux... Considéré comme amical en privé, plutôt réservé en public, GIGER a aussi laissé limage dun artiste exigeant, difficile à satisfaire car très attaché à une parfaite restitution de son art notamment au cinéma, ce qui amena Steve JOHNSON a lui rendre un hommage pour le moins ambigu, tant son admiration se mêlait au souvenir de la tension latente de leurs collaborations professionnelles. GIGER sera en tout cas parvenu à ce que son uvre soit reconnue et respectée aussi bien dans le monde des galeries dart que dans celui du cinéma fantastique hollywoodien, et il demeurera encore longtemps à nen point douter une référence.
site officiels : https://giger.com/gigerframeset.php Jean-François Berreville Le blog de Jean-François Berreville creatures-imagination.blogspot.com |
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