TROIS NOUVEAUTÉS TCHÈQUES CHEZ ARTUS
En combos La Vallée des Abeilles + Morgiana + Marketa Lazavora, combos disponibles et promos sur des films pour enfants...               lire

3 CLASSIQUES RESTAURÉS CHEZ ARTUS
Trois films Tchèques et Polonais: Les Chevaliers Teutoniques + Le Neuvième Coeur +  Un Marteau pour les Sorcières...                         lire

La Tchécoslovaquie fut un pays d'Europe de 1918 à 1992 aussi appelé République socialiste Tchèque lors de la prise de pouvoir par la Russie en 1948. La "partition de velours" sépare le pays qui devient la République Tchèque et la Slovaquie. On confond le tout sur cette page !

mise à jour le 3 mars 2024

L'ANNÉE TCHÈQUE aka Spalicek - Jiri Trnka, 1947, Tchécoslovaquie, 76m

Au coeur d'un petit village tchèque, les us et coutumes des habitants nous sont dévoilées dans six tableaux animés par des marionnettes: Le Carnaval; Le Printemps; La Légende de Saint Procope; Le Pèlerinage; La Kermesse et la Crèche de Noël.

Accompagné d'une musique de son complice Vaclav Trojan, Jiri Trnka soigne une mise en scène et multiplie les prouesses avec ses marionnettes. Il utilise avec brio tout ce qui est à sa disposition, éclairages, surimpressions, ou ce qui ressemble carrément à de l'animation dessinée à de rares occasions pour mettre en vie ces tranches de vie. Si tout est adorable, le Carnaval et la Kermesse sont particulièrement inventives, multipliant les surprises visuelles tout en nous touchant avec des moments plus intimes. En pleine Kermesse, il n'oublie pas un vieil homme qui a juste faim et qui demande la charité, ce qui ne lui sera pas refusé. Le spectacle de marionnettes à l'intérieur de la séquence est une idée audacieuse et parfaitement maitrisée. Le mariage tragique qui se déroule devant nous est émouvant. Quelques chansons donne parfois la voix aux bouches dessinées et il faut avouer qu'on en oublie que ce ne sont que des figurines.

En bonus, on nous offre La Main, le dernier court de Trnka. Un homme dans son petit appartement fabrique des pots pour plantes. Lorsque ça cogne à la porte, il est tout étonné de voir une main géante, une authentique main gantée, qui lui demande par signes de fabriquer une sculpture à son image. L'homme se rebiffe et leur combat est pour le moins étonnant. Le dvd d'Artus Films comprend aussi la bande annonce originale ainsi qu'un diaporama d'affiches et photos. Complément indispensable, un livret de 24 pages écrit par Pascal Vimenet nous permet d'explorer la carrière et les méthodes de travail de l'artiste. Un pur délice. Mario Giguère 

L'ARCHE DE MONSIEUR SERVADAC aka NA KOMETE - Karel Zeman, 1970, Tchécoslovaquie, 1970, 75m, Couleurs, sépia, noir et blanc

Une comète a provoqué une brusque scission de l'écorce terrestre. Un morceau de la Terre a été projeté dans l'espace. Sur cette nouvelle planète en dérive se trouvent réunis une garnison française d'Afrique du Nord, les Arabes qui leur font face et le trafiquant d'armes intéressé par cet affrontement. Le groupe comprend également une jeune fille destinée à un émir et de nombreux commerçants, serviteurs, navigateurs ainsi que des soldats britanniques de Gibraltar. Hector Servadac, jeune soldat Français, tente de les convaincre les ennemis d'hier de s'allier contre les nouveaux périls célestes qui les guettent. Alors que ce petit monde s'organise, une horde de dinosaures surgit du désert. ! ! !

Publicitaire de formation, Karl Zeman, surnommé le Méliès Tchèque, livre avec cette adaptation de Jules Vernes méconnue ("Hector Servadac, Voyages et Aventures à travers le Monde Solaire", qui est l'un des plus fous des Voyages extraordinaires de Verne), une œuvre étonnante et détonnante. Comme beaucoup d'autres œuvres, ce roman mêle avec un grand art des faits scientifiques rigoureux provenant des meilleures sources de l'époque à des hypothèses abracadabrantes. Grâce au savoir-faire de Zeman, les décors de la comète et les paysages de l'Afrique du Nord, recomposés grâce à un époustouflant travail sur l'image, évoquent les vieilles cartes postales du début du siècle et confèrent à ce film toute sa dimension poétique et fantasmagorique. Le film est tourné en couleurs mais dès l'apparition de personnages réels, c'est le noir et blanc puis le sépia qui reprennent le relais. Par la magie d'effets spéciaux novateurs pour l'époque (incrustation de décors, scènes d'animations...), Karl Zeman nous invite à embarquer sur cette arche fantastique, véritable tour de force cinématographique, peuplée de monstres préhistoriques, d'une belle héroïne et d'aventuriers de tous bords. L'un des moments forts de ce petit bijou restera sans doute l'instant ou nos infortunés expatriés découvriront que le nouvel astre bleuté qu'ils aperçoivent dans les cieux, n'est autre que leur planète à laquelle ils ont été arrachés !

A découvrir d'urgence... à la mémoire d'un certain cinéma ! Marc Evil

AVENTURES FANTASTIQUES aka THE FABULOUS WORLD OF JULES VERNE aka VYNÁLEZ ZKÁZY - Karel Zeman, 1957, Tchéchoslovaquie

Nous prenons place à l'aube du XXème siècle, alors que la science et l'évolution technologique sont en plein boum créatif permettant soudainement à l'homme de s'aventurer là où jamais il n'avait pu se rendre. Désormais, traverser le ciel, en ballon, en avion ou même en bateau n'est plus problème. Sonder le fonds des mers à l'aide d'un sous-marin ou d'un scaphandrier est d'une simplicité enfantine. Et Simon Hart, ingénieur assistant de l'éminent professeur Roche, ne cesse de s'en émerveiller. Ses modèles sont Robur le conquérant ou le Capitaine Nemo, des noms qui lui font chavirer l'esprit. Mais le professeur Roche est sur le point de finaliser une invention moins réjouissante: la production d'énergie via un savant bidouillage d'atomes, la solution à bien des soucis d'alimentation et d'éclairage, mais aussi le déclencheur de ce qui pourrait devenir une bombe d'une puissance cataclysmique. Et c'est le vil comte Artigas qui manifeste son intérêt dans le pouvoir destructeur de cette future invention. Alors, il kidnappe le scientifique et son assistant, puis les emmène en sous-marin sur son l'île-industrie dont le rendement des machines laisse penser qu'un volcan en activité se prépare à tout moment à dégorger de la lave de toute part. Bien évidemment, les motivations d'Artigas ne sont autre que la domination du monde...

Voir un film de Karel Zeman est quelque chose de merveilleux. Entre son récit fort en humanité et ses techniques de réalisations atypiques, il est difficile de ne pas succomber au charme de son oeuvre. Ses mélanges de dessins et de prises de vue réelles, s'incrustant les uns dans les autres, donnent à l'ensemble un style relativement naïf qui a pour effet d'émerveiller. Les techniques "primitives" de Zeman, donnant l'impression de collages de papier et de décors expressionnistes en carton, se trouvent d'ailleurs être bien plus belles que n'importe quelle incrustation moderne de personnages réels dans un décor animé et sont surtout en parfaite adéquation avec son sujet. Quant à l'aventure qui nous est contée, celle-ci ne manque pas de rebondissements. Entre attaques de navires à coup de sous-marin, exploration des grands fonds marins au milieu d'une faune aquatique un brin fantaisiste, un duel homérique entre une pieuvre géante et un scaphandrier armé d'une hache, l'île volcan du comte Artibas digne des repères les plus fous des ennemis de James Bond, il n'y a définitivement pas matière à s'ennuyer. Kerozene

Le BOULANGER DE L'EMPEREUR - L'EMPEREUR DU BOULANGER aka Císaruv pekar - Pekaruv císar - Martin Fric avec Jan Werich, Marie Vásová, Natasa Gollová, Tchéchoslovaquie, 1953, 79 et 63m

Le roi Rudolph 2 veut que l'on retrouve le fameux Golem, mais son armée n'arrive pas à le dénicher. Entouré d'alchimistes et sorciers qui essaient de lui fabriquer un élixir de jeunesse et du nouveau Kelley qui lui a créé une femme de toute pièce, Sirael, il est surtout entouré de charlatans ! Il a un sale caractère et le jour ou le boulanger qui devrait lui réserver sa production la donne plutôt au peuple affamé, il l'envoie aux oubliettes. Étrangement, malgré qu'ils se parlent mais ne se voient pas, Katerina alias Sirael en tombe amoureux. Par un concours de circonstances, au moment ou le Golem a été retrouvé et que son alchimiste lui a administré un semblant d'élixir de jeunesse, le boulanger est libéré, arrive dans les appartements du roi, qui est parti folâtrer, et tout le monde croit que la potion a fait son travail car il est l'image du roi rajeunit tout craché ! Il va en profiter pour changer deux ou trois choses au royaume, si vous voyez ce qu'on veut dire !

Attiré par la créature du Golem, bien impressionnant sur la couverture et les photos, j'aurais pu, en d'autres circonstances, en vouloir au film de ne pas exposer plus souvent son monstre mythologique. Que nenni ! Le film est tellement joyeux, espiègle et critique de cette royauté pompeuse et pleine de personnages si pittoresques, dans des décors magnifiques. Voir la galerie des alchimistes, véritable foire dédiée à prouver que le ridicule ne tue pas, surtout le roi ! Ce sera comme cela tout au long du film, enjoué et coloré dans tous les sens du terme. Évidemment que les rares chansons et la libération de la tyrannie s'accommode d'une ode au socialisme qui sonne curieusement et qui a valu une version écourtée sur le marché international. La créature vue auparavant sous les traits de Paul Wegener est ici gigantesque et impressionnante et son sort final surprenant, à tout le moins. Bref, que du bon pour ceux qui apprécient les films d'une autre époque et qui veulent retrouver les racines d'un fantastique fort populaire.

L'édition d'Artus comprend les deux films sur une première galette en version originale avec sous-titres français. Un deuxième disque recèle une quantité impressionnante de bonus. "Sur les traces du Golem" est un documentaire tchèque de 1962 qui retracent ses origines à Prague. "Jan Werich et le Golem" présente le spécialiste Ondrej Suchy, qui explique la conception des deux films. "Le Golem au cinéma" est une rencontre avec Blazena Urgosikova, employée de la cinémathèque tchèque, qui revient sur les différentes adaptations du Golem. "Les racines du Golem" nous montre Jeanne Rossille évoquer la naissance de la légende du Golem, replacée dans ses sources, et son contexte socio-historique. Une jolie femme qui parle aussi bien de textes anciens, de cinéma, de monstres et de robots, j'avoue être tombé sous le charme ! Suit un "Entretien avec Lubomir Lipsky" qui tiens le rôle de l'alchimiste au langage inventé dans "Le boulanger de l'empereur" et "L'empereur du boulanger". Quand à l'"Entretien avec Vera Chytilova" qui a fait de la figuration dans les films, il évoque rapidement les difficultés d'être réalisatrice à l'époque. On parle évidemment tout au long des bonus des différences entre l'époque socialiste et la situation actuelle tant au niveau des libertés d'expression que les moyens alors consentis aux tournages. Galerie de photos, Filmographies et livret de huit pages complète cette édition collector magnifique. Mario Giguère

DÉMENCE aka ŠILENI aka Les Fous aka Lunacy - Jan Svankmajer avec Pavel Liska, Jan Triska, Anna Geislerová, Pavel Nový, République tchèque, 2005, 118m

L'intro face à face avec Jan Svankmajer: "Mesdames et Messieurs, le film que vous allez voir est un film d'horreur, avec tout ce que ce genre implique de bas. Il ne s'agira donc pas d'art. D'ailleurs, l'art est déjà presque mort. Il a été supplanté par des réclames publicitaires vantant le reflet de Narcisse à la surface de l'eau. Prenez ce film comme un hommage infantile à Edgar Allan Poe, à qui j'ai emprunté certains motifs, ainsi qu'au Marquis de Sade, de qui le film tire son ton blasphématoire et quelques idées subversives. Le sujet de ce film n'est rien de moins qu'un débat idéologique sur la façon de diriger un asile d'aliénés. Il y a, en effet, deux manières de gérer ce type d'institution, toutes les deux aussi extrêmes. L'une est la liberté absolue; l'autre la méthode conservatrice, celle bien connue du contrôle et des châtiments. Mais il en existe une troisième qui combine et cumule les pires aspects des deux autres. Et c'est là l'asile dans lequel nous vivons."

Le film: Un jeune homme terrassé par le décès de sa mère dans un hôpital psychiatrique à de violentes convulsions démolissant tout pendant son sommeil. Provenant d'un autre siècle, un marquis volage (l'excellent Jan Triska) l'invite à régler ce problème.

Un avis: Quel bon rire ce marquis et quelle belle séquence cette évocation divine devenant satanique avec ce crucifix martelé de vieux clous rouillés. J'adore. Ok, peut-être que ce n'est pas un "vrai" film d'horreur mais c'est une vraie comédie noire avec du vrai bizarre et du vrai gluant provenant d'un authentique surréaliste. Svankmajer est un alchimiste de l'objet qui travaille depuis des lunes sur Poe et Sade et ce film est une réussite. Démences, allégories contre le pouvoir, mélange d'époques entrecoupées de textures animées de cervelles, de langues et de viandes, ce film est dédié à son épouse et collègue morte lors de la post-production (65 ans). Serviteur style bossu, un docteur fou, une belle fille, traitements chirurgicaux mystérieux... Pour la liberté, pour la création, pour Svankmajer. Deadmonton

FIN AOÛT A L'HOTEL OZONE aka THE END OF AUGUST AT THE OZONE HOTEL aka LATE AUGUST AT THE OZONE HOTEL aka KONEC SRPNA V HOTELU OZON - Jan Schmidt, 1966, Tchéchoslovaquie

Voilà une curiosité qui ne manque pas de piquant : un post-nuke nihilisto-féministe en provenance d'Europe de l'Est tourné dans un noir et blanc chatoyant. On y découvre une horde de jeunes femmes arpentant une terre inhabitée suite à une guerre fatale. Menées par une femme d'un certain âge qui a eu la chance de connaître la Terre peuplée par l'espèce humaine, cette dizaine de jeunes femmes d'une vingtaine d'années et n'ayant jamais côtoyé le monde civilisé se comporte de manière quasi primitive. Se nourrissant de boîtes de conserve, faute d'une terre saine propre à la culture, leur attitude infantile, voire quasiment barbare, est contenue par la sagesse de leur aïeule qui n'a jamais perdu l'espoir de trouver un jour un groupe de survivants. On suit alors leurs pérégrinations désolées jusqu'à ce qu'elle rencontre enfin un homme vivant dans les ruines d'un hôtel, l'Hôtel Ozone... Cet homme d'un certain âge se liera logiquement d'amitié avec leur leader. Cet homme pour qui l'ampleur du bonheur d'enfin pouvoir ressentir un contact humain après des années de solitude sera aussi grand que l'atroce désillusion qui l'attend.

Froid, dur, irritant et fascinant sont les mots qui viennent à l'esprit pendant la vision de ce film à l'ambiance pesante. Toute trace d'espoir se voit constamment balayée par des actes égoïstes, tout bourgeonnement de tendresse se voit annihilé par une ignorance destructrice. Et comme si cela ne suffisait pas pour rendre ce métrage difficile, les actes de cruautés envers certains animaux présentés ici n'ont rien à envier aux films de cannibales italiens. Si un serpent se faisant trucider peut ne pas déranger, si une vache abattue sans douleur avant de se faire étriper à mains nues peut ne pas particulièrement choquer, il est en revanche beaucoup difficile de rester insensible face à l'exécution douloureuse d'un chien errant visiblement blessé par balle pour les besoins du film et dont les hurlements de douleur ne seront abrégés que par un coup de crosse sur la nuque. Justifiable ? Certainement pas, même si cela sert les propos du film. Mais un chien ça se dresse, jusqu'à preuve du contraire. Malheureusement cela altère quelque peu l'appréciation générale d'un film rare et touchant dont le final ironique aura vite fait de laisser un goût amer dans la bouche. Fascinant donc, mais éprouvant. Kerozene

I KILLED EINSTEIN, GENTLEMEN aka Zabil jsem Einsteina, panove - Oldrich Lipský, 1970, Tchécoslovaquie

Les retombées de la bombe atomique ont des conséquences totalement inattendues. Dans le futur - nous sommes aux alentours de l'an 1980 je pense - les femmes voient leur gènes dégénérer: de la barbe leur pousse et elles se voient dans l'incapacité de procréer. Comme l'humanité court à sa perte, il est urgent de trouver une solution. Et quelques uns des plus grands cerveaux de la planète sont arrivés avec une proposition qui en vaut bien une autre, à savoir fabriquer une machine à remonter le temps afin de tuer Einstein et ainsi empêcher la création de la bombe atomique!

Cette comédie gentiment loufoque déborde de charme avec ses décors volontairement kitsch, ses personnages farfelus et son concept pour le moins foutraque qui amène à d'inévitables situations cocasses dues aux paradoxes temporels que n'auraient sans doute pas reniés les Monty Python. Cependant, le film dérive gentiment mais sûrement vers une comédie romantique vaudevillesque et fini par perdre de son mordant à force d'appuyer des gags redondants basés sur un comique de situation certes pas désagréable, mais un peu ennuyant sur la durée. Le métrage de Lipský, à l'ouverture des plus réjouissantes, finit donc par décevoir légèrement. Kerozene

 

L'INCINÉRATEUR DE CADAVRES aka The CREMATOR - Juraj Herz, 1968, Tchécoslovaquie, noir et blanc 

Réalisé pendant l'invasion soviétique de Prague, ce film a été banni pendant plus de 20 ans pour faire surface qu'au début des années 90. Il raconte la descente dans la folie d'un incinérateur de cadavres, Karel Kopfrkingl (Rudolf Hrusinsky), vivant une vie de famille exemplaire: il adore sa femme, voit personnellement à l'éducation de ses deux enfants, aux activités de la maison et est très dévoué à son travail. Dans ses temps libres, il lie un livre sur les rites funéraires du Tibet et philosophe sur le Dalai-Lama et la réincarnation. Bref, une existence des plus normale.

Mais voilà, l'Allemagne d'Hitler envahit peu à peu la République Tchèque et notre bon ami réussit à se faire convaincre qu'il a du sang allemand et qu'il devrait vite se débarrasser des "dangers" qui menace sa pureté dont sa femme (d'origine juive) et ses deux enfants.

Un montage serré très sixties ne laissant place à aucun temps mort, un excellent usage du wide-angle, un acteur extrêmement charismatique (Rudolf Hrusinsky), des dialogues empreint d'humour noir, une imagerie gothique et grotesque, une musique et une atmosphère hypnotisante, la présence en leitmotive fantomatique d'une ancêtre à Soledad Miranda, des transitions entre chacune des scènes à en faire baver Robert Lepage, et cet esprit morbide très Europe de l'Est font de THE CREMATOR un des meilleurs films que j'ai vu depuis bien longtemps. Dommage qu'il ne semble pas vouloir se pointer en VHS ou DVD.

(À noter que j'ai vu ce film dans le cadre de la rétrospective du cinéma d'horreur et fantastique tchèque à la Cinémathèque Québécoise) Mathieu Prudent

LITTLE OTIK - aka Otesanek, Jan Svankmajer, 2000, République Tchèque

Parmi d'énormes irritants cris stridents et mignons rires de nouveau-nés, un couple apprends qu'ils sont stériles. Désespéré, le mari finira par offrir une racine, qu'il a grossièrement sculpté, à son épouse pour la consoler. Stupeur, celle-ci va entraîner dans une folie de maternité tout son entourage. La racine, n'ayez crainte, prendra vie et deviendra même mangeuse de chair inassouvie. Gentilles scènes d'horreur et surtout dès le début, sans relâche; une imagination, un humour satirique accompagné de poésie illustrant avec maîtrise les paradoxes de notre civilisation. Les interprétations sont donc multiples et rien à voir avec Pinocchio sinon le bois. Certains ont reproché la longueur du film, 2h, moi, j'ai adoré.

Ce film me permit de découvrir aussi Jan Svankmajer. Celui-ci est surnommé "le maître du surréalisme tchèque" ayant près d'une trentaine de films d'animation pour "adultes". Little Otik est son 4e film "live". Deadmonton

MAN IN OUTER SPACE aka Muzz Prvniho Stoletti aka Man from the First Century - Oldritch Lipsky avec Milos Kopecly, Radovan Lukavsky, Anita Kajlichova, 1962, Tchécoslovaquie, 96m

Peu de temps avant le lancement d'une fusée vers l'espace, un cosmonaute se plaint que son siège n'est pas assez rembourré. Josef va donc aller ajuster le mobilier dans la fusée et va malencontreusement la faire décoller. Un narrateur nous raconte alors le voyage dans l'espace du simple ouvrier qui va rencontrer une civilisation humanoide qui décide d'envoyer un des leurs, qui peut devenir invisible à souhait,  avec lui de retour sur Terre pour étudier les Terriens qui semble si étranges à leurs yeux. À cause de la relativité du temps, ils arrivent en 2447. Josef est surnommé l'homme du premier siècle, celui ou a éclaté une guerre mondiale qui a changé le monde. Josef découvre donc une société utopique ou règne la paix, ou tout est gratuit pour tous et il est étudié par ses semblables. Son avarice est incompréhensible et l'extraterrestre s'aclimate plus facilement à cette époque plus avancée.

Cette comédie de science fiction fait partie des films doublés en anglais par la compagnie AIP dans les années 60 pour combler l'appétit vorace des réseaux de télévision. Il fut aussi présenté au Festival de Cannes. Si l'humour est bon enfant et pas très efficace de nos jours, la création visuelle de ce futur idyllique, de ses inventions parfois cocasses et de ses moeurs différentes  est plutôt agréable. L'extraterrestre ne comprends les interactions que par mode de comportement et est intrigué par le concept de l'amour. D'ailleurs j'ai trouvée fort jolie l'actrice Anita Kajlichova, que Josef fait bien rigoler et qui déambule dans des tenues rétro futuriste proches du cubisme. La séance du bar en apesanteur vaut bien une petit détour. Une curiosité intéressante pour l'amateur de science fiction curieux. Mario Giguère

  MARKETA LAZAROVA - Frantisel Vlacil avec Magda Vášáryová, Josef Kemr, Jaroslav Mou?ka,  1967, Tchécoslovaquie, 166m

XIIIe siècle. Mikolás et Adam, les fils du chef de clan Kozlik attaquent un convoi et capturent Kristian, le fils de l'évêque de Hennau. Alerté, le capitaine du Roi prépare une offensive contre le clan des voleurs. Kozlik va alors demander de l'aide à Lazar, le chef d'un clan rival. Devant le refus de ce dernier, Mikolás enlève Marketa, la fille de Lazar.

Pour la première fois, je vous conseille de regarder la présentation de Christian Lucas avant le film. Il faut dire que le nombre élevé de personnages et le simple fait de passer le temps à lire les sous-titres peut créer de la confusion, dans un premier temps. Ce sera oublié dans la deuxième partie. Il s'agit d'une adaptation du roman éponyme de 1931 de Vladislav Van?ura, et, comme dans les romans d'une autre époque, le film se présente en chapitres dont chaque titre annonce ce qui s'en vient. La beauté des images et la superbe trame sonore de Zdenek Liska sont envoutantes. On entre littéralement dans une autre époque, rude, en plein hiver, ou les amis peuvent devenir des ennemis cruels et sans pitié. Le scénario s'étale sur quelques années et les personnages évoluent de manière parfois surprenante. Aujourd'hui, on a carrément l'impression que Marketa va souffrir du syndrome de Stockholm, bien avant qu'on en parle et le nomme. Je vais prendre un instant pour parler de la belle  Magda Vášáryov, la Marketa du titre, sublime et, curieusement au centre de l'intrigue mais pas le rôle principal en termes de temps à l'écran, elle est sublime et intense. Christian Lucas raconte d'ailleurs une anecdote surprenante de l'actrice à la toute fin de son introduction. Marketa Lazarová a été élu meilleur film tchèque de tous les temps lors d'un sondage réalisé en 1998 auprès de critiques de cinéma et est aussi reconnu comme un des meilleurs films historiques jamais réalisés.

L'édition Artus Films en Coffret digipack Blu Ray + DVD + Livre présente le master 2K restauré. En suppléments: Présentation du film par Christian Lucas; Dans la toile du temps, excellent documentaire avec Frantisek Vlacil; un diaporama d'affiches et de photos en plus d'un livre de 64 pages " Frantisek Vlácil, l'esthète des contrastes " par Christian Lucas. Offert en audio Tchèque avec sous-titres français en option. Mario Giguère

Le MARTEAU DES SORCIÈRES aka Witchhammer aka Kladivo na carodejnice - Otakar Vèvra avec Vladimir Smeral, Elo Romancik, Josef Kemr, Sona Valentovà, Blanka Waleskè, 1970, Tchéchoslovaquie, 107m

Moravie, 1670. Pour avoir dérobé une hostie, croyant soigner sa vache ne donnant plus de lait, une vieille femme se fait accuser de sorcellerie suite à la dénonciation d'un jeune servant de messe. Le seigneur du pays, après l'insistance de l'église, fait alors venir un tribunal de l'Inquisition pour la juger. L'inquisiteur, Boblig von Edelstadt, s'appuie sur le célèbre manuel Malleus Maleficarum pour mener les interrogatoires. Ambitieux, Edelstadt, qui s'enrichit avec les possessions des condamnés, multiplie les bûchers et les victimes. Il décide de piéger tous ceux qui s'opposent à lui.

Le Malleus Maleficarum a réellement existé, Ce guide rédigé par des moines dominicains expliquait en détail comment mener à bien interrogatoires et tortures. L'ouvrage fut rapidement condamné par l'Église catholique et mis à l'index, mais continua à être utilisé malgré tout, trop longtemps. Basé sur le cas trop réel et cruel du règne de Boblig von Edelstadt, le drame n'en est que plus troublant. Surtout que la réalisation est superbe, les acteurs sont crédibles et le scénario implacable. L'épilogue est d'une ironie a soulever le coeur. Moins explicite que The Devils de Ken Russel, sorti un an plus tard, tourné dans un noir et blanc soigné, on en ressort secoué. Si sous-texte politique il y a, comme dans Les Sorcières de Salem qui dénonçait la chasse aux sorcières du Maccarthysme de l'époque, on peut très bien le regarder juste comme une dénonciation de tout pouvoir qui abuse des innocents. Un film puissant, à placer aux côtés des meilleurs du genre.

Le coffret digipack Blu Ray + DVD édité par Artus Films contiens un diaporama d'affiches et de photos. Offert en version originale Tchèque avec sous-titres français. DVD - PAL - Zone 2 / BD - Zone B. Mario Giguère

  MORGIANA - Juraj Herz avec Iva Janzurová, Josef Abrhám, Nina Divísková, Pter Cepek, 1972, Tchécoslovaquie, 101m

Le père des soeurs Klara et Victoria est décédé. La majorité de ses biens est donné par testament à Klara mais sa soeur, qui n'est pas sans le sou, loin de là, développe une jalousie meurtrière. Elle décide d'empoisonner Klara lentement mais sûrement.

Si les films d'héritage ou des familles s'entredéchirent et les meurtres s'enchaînait sont légion, Juraj Herz arrive avec une proposition extravagante, originale et superbement filmée.  J'ai cru un instant que les deux soeurs pouvaient être jouées par une seule comédienne, puis j'ai  rapidement laissé tomber cette hypothèse. Erreur, Iva Janzurová est dans la peau de Klara et celle de Victoria, ce qui explique mieux ses maquillages outranciers. Les humeurs des soeurs sont exacerbées. Victoria est purement méchante, comme dans cette scène cruelle ou elle blesse une de ses employées totalement gratuitement. Ces employées sont fascinantes, toutes rousses aux chevelures et robes identiques. L'atmosphère est gothique et les rôles de soutien, excellents, nous amènent dans des endroits diamétralement opposés à la vie rangée de ceux des soeurs prudes. Une cartomancienne déclenche les lubies de Victoria et va se révéler aussi tordue qu'elle. Juraj Herz (Le Neuvième coeur) s'avère un artiste aux univers flamboyants, sachant tirer de magnifiques prestations des ses acteurs, avec une direction artistique remarquable. Un pur plaisir

L'édition Artus Films en Combo Blu-ray + DVD présente le master 2K restauré. En suppléments: "Le Chat aux yeux bleus" : présentation du film par l'érudit Christian Lucas (on attend maintenant sa dernière anecdote après quelques secondes de noir); un diaporama d'affiches et de photos et le chouette court métrage Noapte de l'IUT de Béziers. Offert en audio Tchèque avec sous-titres français en option. Mario Giguère

The NiINTH HEART aka Le NEUVIÈME COEUR aka The Deváté srdce - Juraj Herz avec Ondrej Pavelka, Anna Malocá, Julie Juristová , 1979, Tchéchoslovaquie, 91m

La belle Princesse Adriana ne semble pas très présente le jour et est carrément absente la nuit. Au royaume, on a engagé plusieurs personnes pour résoudre ce mystère, en vain. Un étudiant irrévérencieux, Martin, est volontaire pour aider Adriana. Il va se rendre compte que l'astrologue Aldobrandini a des plans maléfiques pour la princesse.

D'après un Conte nocturne de Hoffman. Juras Herz  est un habitué du fantastique, avec une adaptation de La Belle et la Bête, Morgiana, le Vampire de Ferat et on signale qu'il adaptera deux Maigret dans les années 1990. Débutant avec un magnifique générique créé par Jan Švankmajer, également directeur artistique du film, on est en route pour un conte fantastico horrifique d'une facture visuelle merveilleuse. Si on avance dans les pitreries de Martin qui vont finir par le mettre dans le trouble, son offre de résoudre le mystère de la princesse pourra le sauver. A moins qu'il disparaisse comme tous les autres. Martin suivra patiemment Adriana pendant un bal nocturne d'une belle élégance, à la mise en scène superbe, pour pénétrer dans un monde de sorcellerie et d'alchimie qui surprennent le spectateur. Conte fantastique magnifique, sa plongée vers l'horreur n'en est que plus efficace. Une belle découverte en provenance d'un pays qui ne cesse de m'étonner.

Le Coffret digipack Blu Ray + DVD + Livre d'Artus Films offre en suppléments le livret de 64 pages de Christian Lucas " Les 9 cœurs de Juraj Herz ", abondamment illustré et indispensable pour ceux qui, comme moi, ne connaissent pas l'oeuvre du cinéaste. On ajoute un diaporama d'affiches et photos. Audio Français et Tchèque, sous-titre français en option. DVD - PAL - Zone 2 / BD - Zone B. Mario Giguère

SOLOMON KANE - Michael J. Bassett avec James Purefoy, Mark O'Neal et Robert Orr, 2009, Tchékoslovaquie/Angleterre/France, 104m

Solomon Kane est un pirate sans scrupule, qui s'hésite pas à tout faire pour arriver à ses fins. Après avoir pris une ville de force en Afrique du Nord, Kane perd son âme qui va au diable. Suite à cet évènement, Kane refuse toute forme de violence et se retire dans un monastère en Angleterre. Sauf que le mal le rattrape et Kane doit reprendre les armes pour sauver les gens qu'il a appris à aimer.

J'ai toujours bien apprécié Michael J. Bassett, un réalisateur britannique avec énormément de potentiel et qui semble visiblement prendre son pied dans le cinéma de genre. SOLOMON KANE marque vraiment un tournant dans la carrière du réalisateur qui se retrouve avec un budget conséquent pour finalement sortir un film pas mal du tout! L'univers très sombre et morbide a été bien rendu et on a clairement voulu faire un bon vieux film d'aventure fantastique comme dans le temps, mais avec un ton plus dark. Visuellement, on a un film solide avec un univers propre, mais avec aussi une scénographie de qualité, une esthétique travaillée et de très beaux combats bien chorégraphiés. Parce que ce n'est pas le scénario qui risque de vous titiller ici, mais bien la rigueur de la mise en scène! Visiblement, SOLOMON KANE fait beaucoup avec très peu et c'est franchement impressionnant. Les performances sont parfois un peu figées, certains des personnages ne sont pas aussi intéressants qu'on semble vouloir nous le faire croire, mais au final, on passe un sacré bon temps et qui passe extrêmement vite. Je pouvais pas demander mieux. Abba

  La VALLÉE DES ABEILLES - Frantisel Vlacil avec Petr Cepek, Jan Kacer, Vera Galatíková, Zdenek Kryzánek, 1968, Tchécoslovaquie, 100m

13ème siècle. Ondrej est invité à embrasser sa nouvelle mère, qui a presque le même âge que lui. Le garçon lui offre un cadeau avec une très mauvaise surprise et son père le tue presque. Il promet de l'envoyer au service de Dieu si celui-ci lui laisse la vie sauve. On le retrouve quelques années plus tard dans un ordre de templiers ou il se fera un ami, presque un frère, Armin. Mais Ondrej n'a qu'une idée en tête: s'enfuir et retourner au château familial. Ce qu'il fera et alors Armin aura pour mission de le ramener.

Après le très long tournage de l'excellent Marketa Lazarova, Frantisel Vlacil, avec pratiquement la même équipe, tourne ce film plus court, toujours dans un magnifique noir et blanc. Entre l'austérité de la vie de Templiers et la pauvreté qui attend Ondrej à son retour, c'est une suite cruelle de moments dramatiques qui attendent tous les personnages. Encore une fois la beauté de la photographie, les cadrages et la mise en scène nous fascinent tandis que le nihilisme d'une époque lointaine fascine et horripile tour à tour. Les relations avec l'église sont aussi singulières, un prêtre acceptant de remarier une veuve à son beau fils, parce que l'époux décédé était généreux pour la paroisse. Bravo à l'ensemble des acteurs, impeccables. Sorti quelques mois après le film précédent, les critiques l'ont jugé sévèrement à l'époque, mais il a retrouvé ses lettres de noblesse et est classé aujourd'hui parmi les meilleurs films de son réalisateur.

L'édition Artus Films en Combo Blu-ray + DVD présente le master 2K restauré. En suppléments: Présentation du film par l'indispensable Christian Lucas, ainsi qu'un diaporama d'affiches et de photos. Offert en audio Tchèque avec sous-titres français en option. Mario Giguère

Les VIEILLES LÉGENDES TCHÈQUES -  Jirí Trnka, 1953, Tchécoslovaquie, 84m

Les vieilles légendes tchèques racontent en six tableaux les origines de la création de ce pays depuis le roi Cech. Les héros et les héroïnes se déplacent, labourent la terre, construisent leurs maison, forment un gouvernement au travers de contes traditionnels alliant légendes et exploits épiques. On débute avec un voyage au travers de terres arides et des sacrifices pour trouver une terre promise. On passe aux moments de prospérité qui débouchent sur un roi qui pille les ressources naturelles à son profit. On voit les guerres qui s'en suivent, la passation des pouvoir d'une reine à un roi et des chamboulement de la vie des femmes dans cette nouvelle hiérarchie et de réconciliations. L'histoire est riche, pleine d'émotions et de leçons. Tout en animation image par image, sur des plateaux miniatures et avec une narration fascinante.

Inspiré de la Chronique tchèque, de Cosmas de Prague, datant du 12ème siècle, ce monde presque magique comporte son lot de héros et de dirigeants perfides, d'hommes sages, d'autres puissants, de femme opiniâtres et d'autres séduisantes, dans un ballet poétique qui fascine le spectateur. Les techniques de Trnka s'adaptent au récit, la caméra bouge, les éclairages sont feutrés, les animaux s'animent pour faire vivre le récit. Si vous êtes amateurs de marionnettes, de légendes ou juste friand de l'histoire du cinéma, le visionnement de ce moment de féérie, de tragédies et de triomphes vous est chaudement conseillé.

Artus films offre le master 2k restauré en version intégrale. Jiri Trnka, qui avait débuté par des adaptations de récits populistes, se dévoile dans un superbe documentaire: Les marionnettes de Jirí Trnka qui accompagne le film. Version française d'origine. Un magnifique livret de pas moins de 96 pages est écrit par Pascal Vimenet : Clés pour Trnka. un Diaporama d'affiches et de photos accompagne le tout, pistes audio disponibles en Français et en Tchèque avec sous-titres Français en option. Mario Giguère

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