CULTCON 2000 par Orloff Manera
Eh oui, je reviens tout juste de ce week-end désarçonnant à TarryTown, New York, qui pourrait aussi s'appeler PerfectTown USA. Sept heures de route pour arriver dans une petite ville exemplaire où tout le monde est gentil, où les immenses maisons coloniales abondent, toutes ornées de drapeaux américains... L'alcool pas cher (10.99$ pour un 40 onces de rhum !), des ormes et des saules partout, et tiens, encore des feuilles dans les arbres, toutes du même jaune ! Le Tarrytown Hilton, où la convention avait lieu, était "sold out", et tous les autres hôtels des alentours étaient chics... et chers. Nous avons donc dû rouler jusqu'à Elmsford, la ville voisine, pour trouver un motel cheap tenu par des hindous, le Saw Mill River Motel. Fourmis en prime, et douche merdique (sans compter les hurlements tamils en plein milieu de la nuit).
La convention s'est officiellement ouverte avec quinze minutes de retard, et ça allait donner le pouls de tout le week-end. La salle des "dealers" était grosse comme un cul d'anorexique, et le seul invité à être à l'heure était Gunnar Hansen, le fameux géant qui faisait Leatherface dans TEXAS CHAINSAW MASSACRE. Plutôt sympa malgré une gueule et une dégaine sinistre; il a même accepté d'être pris en photo avec mon pote et moi, la tête sous ses bras, en train de nous étrangler... Il y avait bien quelques films intéressants à vendre, mais ils étaient plutôt chers, et j'avais un budget ultra limité. Nous avons vu Kasey Rogers (STRANGERS ON A TRAIN, BEWITCHED) installer ses photos à sa table, et les hurluberlus de Seduction Cinema (qui ont entre autres édité le DVD de TENDER FLESH, le seul cadeau que je me sois offert pendant le week-end).
Ils passaient ce soir-là, en projection vidéo dans une salle plutôt cheap, DON'T TORTURE A DUCKLING & THE NEW YORK RIPPER, présentés par Antonella Fulci, la fille de Lucio, qui mesure environ un mètre et qui passe son temps à disparaître. Le "midnight movie" était HELL OF THE LIVING DEAD, l'abomination de Bruno Mattei. Nous avons donc décidé d'aller nous saouler à notre chambre de motel. Samedi matin. Un type en pantalons rouges et à la drôle de bouille est apparu devant les tables des invités, caméra à la main; il s'agissait de Claudio Simonetti ! Une petite conversation avec lui nous a confirmé que le prochain Argento, I CAN'T SLEEP, serait bel et bien un giallo mis en musique par GOBLIN.
Quelques minutes plus tard, nous sommes descendus à la salle de conférence pour le Q&A avec les GOBLIN; cependant, il n'y avait que Simonetti et les membres de son nouveau groupe, DAEMONIUM. "We don't get along very well", a-t-il dit de sa relation avec les autres membres de GOBLIN. Ils passaient MILAN CALIBER 9 de Fernando Di Leo, en l'honneur de la divine Barbara Bouchet, aussi présente à la convention, mais nous avons décidé de privilégier le Q&A avec David Hess et Ruggero Deodato. Très intéressant, malgré le délai de traduction (Deodato, un peu dissipé, ne parlait qu'italien en raison de sa nervosité). Le vieux Ruggero a l'air plutôt en forme, mais il est un peu lent, se contentant de sourire quand quelqu'un fait des blagues qu'il ne comprend pas. David Hess, cigare à la main, passait son temps à éclater de rire et à se renverser en arrière sur sa chaise, le tout sans raison apparente. Il a même qualifié Deodato de "petit Napoléon". Ils ont parlé de CANNIBAL HOLOCAUST principalement, mais aussi des deux films à gros budget récents de Deodato dont les droits ont été achetés par un politicien italien qui a décidé de ne jamais les distribuer.
Puis ce fut le Q&A avec Sergio Stivaletti, qui avait l'air en forme - avec de drôles de ressemblances avec Harvey Keitel - et qui nous a montré un petit "making of" de quinze minutes comprenant des scènes de DELLAMORTE DELLAMORE, PHANTOM OF THE OPERA, de la série télé fantastique de Lamberto Bava, et même de I CAN'T SLEEP ! Le tout se terminant avec le vidéoclip que Stivaletti a réalisé pour DAEMONIA pour la chanson PROFONDO ROSSO, qui montre un "tribute" à DEEP RED avec les musiciens de DAEMONIA qui se font tuer un par un par un mystérieux tueur qui se révèle à la toute fin être nul autre que... Dario Argento ! Impressionnant.
Un peu plus tard, il y avait une projection de THE HOUSE AT THE EDGE OF THE PARK, que nous avons séché pour aller parler avec Barbara Bouchet et prendre de jolies photos - elle est drôlement bien conservée... Nous avons ainsi appris qu'elle tournait présentement dans le prochain Scorcese, GANGS OF NEW YORK, avec Cameron Diaz et Leonardo Di Caprio... Nous avons été souper, puis nous sommes revenus pour le Q&A d'Antonella Fulci. Puis, ça a été Barbara Bouchet qui nous a raconté sa vie de blonde en une demi-heure.
Tout de suite après, en ligne pour le "main event", le spectacle de DAEMONIUM ! Après avoir attendu plus de 80 minutes au froid en raison de problèmes techniques, nous sommes finalement entrés. Le premier groupe, originaire du Connecticut, ARCHIMEDE'S FRISBEE, était d'une consternante nullité. En plus de n'avoir aucun look (le batteur était un fan de Kiss hirsute avec une calotte à l'envers sur la tête, le guitariste avait l'air d'un garagiste en colère, le bassiste était le sosie de Tim Burton, habillé entièrement en mauve, avec des "running shoes" finies, et le chanteur était le comble du mauvais goût : un bouc fourni, une mauvaise coupe de cheveux, d'énormes lunettes, un t-shirt blanc rentré dans des jeans bleus ornés d'une jolie ceinture en cuirette noire, et les pires mouvements de danse que j'ai vu de toute ma vie) leurs chansons progressives très techniques mais plutôt ternes duraient toutes environ 8 minutes, et ils ont joué pendant ce qui m'a semblé une éternité.
Quand ils ont enfin terminé, le groupe belge invité, BATEAU LAVOIR, a commencé à s'installer. Ils avaient pas mal de trucs étranges à préparer (une table tournante, un vieux keyboard analogue, des figurines, une camcorder branchée sur un énorme projecteur vidéo...) et nous avons vu Ruggero Deodato se promener devant le stage quelques instants pour tout simplement aller s'étendre de tout son long sous la console de son pour piquer un petit somme. Je me maudirai toute ma vie de ne pas avoir pris de photo de ça, parce que ça valait définitivement de l'or !!
Le groupe, lui, quand il a commencé à jouer, s'est révélé d'une étrangeté hors du commun. Au son d'un lent psychédélisme (chaque membre du groupe semblait être absorbé par son jeu en n'écoutant guère celui des autres), une projection vidéo un peu démente avait lieu. Le groupe disposait d'un cameraman qui filmait des figurines et tout un mini-paysage qu'il avait créé sur une table et qu'il modifiait constamment. Jouant avec des "flashlights" etc... Déroutant. Ça m'a paru plutôt court en comparaison avec les merdiques Archimedes Frisbee...
Puis, ce fut DAEMONIA sur la scène, avec seulement des classiques des films de Dario Argento (ils ont en fait joué tout leur album "A TRIBUTE TO DARIO ARGENTO", où ils "adaptent" même le thème de Morricone de STENDHAL SYNDROME...), remaniés à la sauce Simonetti et actualisés par l'emploi d'une guitare électrique très lourde. Un pur délice. Malgré pas mal de problèmes techniques (leurs fils semblaient constamment fondre...), ça a été très puissant, à en juger par les réactions d'Antonella Fulci complètement saoule qui brandissait sa bouteille de bière. À la fin du spectacle, pendant que Simonetti et cie. signaient les trucs de leurs fans, j'ai coincé Stivaletti dans un coin pour une petite conversation fort sympathique. Puis, nous sommes retournés au motel après avoir cherché Deodato en vain, car il était tard.
Le lendemain, alors que la convention ouvrait à 11h, il n'y avait que l'éternel Gunnar Hansen (rebaptisé pour l'occasion THE ROCK) à sa table, et Barbara Bouchet qui vendait des posters de ses films italiens - dont elle ne se souvient absolument pas, soutenant qu'ils se ressemblaient tous.
David Hess est arrivé vers midi, l'air très fatigué, et nous n'avons jamais vu Deodato, qui passait son temps à disparaître. Quand il n'était pas absent d'esprit, il était absent tout court... Puisqu'il ne semblait pas sur le point de se lever vers 1h et que nous devions partir, j'ai demandé par dépit à Hess s'il connaissait le numéro de sa chambre d'hôtel. Et puisqu'Hess est un gaillard fort sympathique, je l'ai obtenu. Sauf que le vieux Deodato devait faire la sieste, car il avait mis le petit panneau DO NOT DISTURB sur sa poignée. "Merde", me suis-je dit, n'osant guère cogner. Je me suis contenté de voler le panneau et de me tirer, et ce fut la fin de la convention pour moi. Ah oui, j'ai aussi vu la voiture d'un freak dont la plaque était tout simplement : FULCI.
...tout ça pour ça.
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