Sur une suggestion de Stelvio, la page d'Yves Boisset
mise à jour le 22 septembre 2005
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L'ATTENTAT aka THE FRENCH CONSPIRACY aka L'ATTENTATO aka PLOT aka THE ASSASSINATION - Yves Boisset avec Jean-Louis Trintignant, Michel Piccoli, Jean Seberg, Gian Maria Volonté, Michel Bouquet, Bruno Crémer, Daniel Ivernel, Philippe Noiret, François Périer, Roy Scheider, Jean Bouise, France-Italie, 1972, 2h Le ministre de l'Intérieur d'un pays d'Afrique du Nord décide d'éliminer Sadiel (Gian Maria Volonté), leader progressiste réfugié en Suisse. La machinerie complexe des services secrets et des barbouzeries en tous genres se met en branle. Un ancien indic, François Darien (Jean-Louis Trintignant), est ainsi contacté par les renseignements français afin d'attirer l'opposant dans leurs filets. Pris de remords en voyant la tournure des événements, il se résout à faire éclater un scandale... Inspiré de l'affaire Ben Barka ("disparition" du leader de l'opposition marocaine en 1965, à Paris), ce film illustre la veine la plus militante d'Yves Boisset, cinéaste coutumier des "fictions de gauche". Heureusement, son sens du rythme et son talent de metteur en scène d'action évite à Boisset de sombrer dans un pensum plaintif façon Costa-Gavras. La fine fleur des comédiens de l'époque se retrouve en mission militante sous les ordres de Boisset, mais jamais celui-ci ne perd le fil de son suspense. L'aspect choral du film permet également de faire respirer la narration de cette fiction paranoïaque au ton très sombre (voir la scène éloquente montrant l'immense salle des écoutes téléphoniques, allusion à peine voilée à l'État policier post-soixante-huitard en France). Autres qualités du film, qui achèvent d'en faire une uvre marquante : la trame sonore d'Ennio Morricone et les dialogues, brillants et volontiers caustiques. Qu'on en juge par ces répliques : "Tu vas au peuple comme la vache va au taureau" (François Darien à sa femme (Jean Seberg), dans une anticipation troublante de la gauche caviar et de la "bobo-attitude"). "Vous connaissez de l'argent solide, vraiment solide, qui soit de gauche ? A part celui du parti communiste bien sûr !" (Michel Bouquet, qui joue maître L'empereur, un avocat cynique). A voir donc ! Stelvio |
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BLEU COMME L'ENFER - Yves Boisset, 1986, France, 1h43 Ned (Lambert Wilson) est un voyou qui ne prend visiblement pas souvent sa douche. Lorsqu'il s'arrête à une station-service dans un coin perdu du sud de la France et qu'il constate que le propriétaire est un bouseux qui bat son chien, il libère ce dernier, met le feu dans les toilettes, pique le fric de la caisse et se sauve dans une BMW volée. Un type (Tchéky Karyo) qui se trouvait dans les parages s'invite dans sa bagnole et les flics les prennent en chasse. Après diverses aventures, Ned se retrouvera pris en chasse par Karyo, ayant eu l'indélicatesse de se tirer avec sa femme. Ce qui est intéressant ici, c'est de voir Boisset s'éloigner de ses thrillers politiques habituels pour adapter Djian. Djian qui, lui-même, désavoue de nos jours cette oeuvre. On donne donc dans le "suspense routier", les deux "amoureux" fuyant un policier hors de lui. Règne une certaine inconsistance dramatique, comme s'il était incroyablement difficile de croire à cette histoire improbable. On prendra donc l'oeuvrette pour ce qu'elle est : un divertissement. Trame musicale 80's exécrable, rock cheap bourré d'envolées saxophoniques, jolies poupées sous-exploitées, bagnoles "de luxe" - inclinons-nous devant cette Ferrari particulièrement flamboyante qui est utilisée comme appât dramatique... Les acteurs / actrices, maintenant. André Julien apparaît ici dans le rôle d'un vieux pompiste, "Popeye". Il peut donc se vanter d'avoir fait partie de la distribution de deux adaptations successives de Djian, étant aussi de la partie dans 37,2 LE MATIN la même année. Gérard Zalcberg, dit "la tronche", compose un gangster rapidement entrevu, mais pas facilement oublié - avec cette gueule, c'est difficile... Il mettait cette même tronche sinistre à profit en tant que serviteur du couple maudit dans le FACELESS de Franco, en '88... et servait Zulawski dans L'AMOUR BRAQUE en '85. Oublié depuis, on dirait. Agnès Soral, la soeur de la poupée de service, nympho en manque d'attention arborant une gueule juvénile particulière, tournait la même année dans le KILLING CARS de Michael Verhoeven (malheureusement pas celui de Rollin...) et dans I LOVE YOU de Ferreri. Myriem Roussel, blonde et sexy marocaine, a commencé sa carrière dans trois Godard, fait un crochet chez Ruiz dans L'OEIL QUI MENT en '93, et a fini dans l'oubli télévisuel. Tchéky Karyo n'est plus à présenter. Il accumule les rôles de flics méchants (DOBERMANN, KISS OF THE DRAGON...) depuis toujours avec sa verve habituelle et sa voix si caractéristique. Lambert Wilson, quant à lui, est aussi passé chez Zulawski (dans LA FEMME PUBLIQUE en '84) avant d'atterrir chez Boisset. Suivit une longue carrière foisonnante et inégale. Orloff |
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CANICULE - Yves Boisset avec Lee Marvin, Miou-Miou, Jean Carmet, Victor Lanoux, David Bennent, Bernadette Lafont, Jean-Pierre Kalfon, Grace de Capitani, Henri Guyber, 1984, France, 101m Un bandit américain, Jimmy Cobb, est trahi par un complice lors d'un hold-up de banque dans la ville de Chartres. Possédant un butin d'un milliard de centimes, Cobb, blessé se réfugie dans une ferme de la campagne environnante. Une fermière, Jessica, découvre sa présence et décide de lui venir en aide. Elle espère ainsi se servir de lui pour tuer son mari Horace, un homme primitif et violent. Mais Horace déniche Cobb et avec l'aide de son frère Socrate, fait chanter le bandit afin de pouvoir s'emparer de son butin. Par ailleurs, le fils adolescent de Jessica, Chim, découvre la cachette de ce même butin. La police et d'autres truands sont toujours à la recherche de Cobb et se rapprochent petit à petit de la ferme... De quoi mettre le gangster aux abois! Situé dans un magnifique décor champêtre, ce film d'Yves Boisset (le seul en format Scope) rend un évident hommage au cinéma de John Boorman. L'on y retrouve le même contexte sauvage que "Deliverance" et un personnage de bandit similaire que dans "Point of no-return", d'ailleurs interprété par le même acteur, Lee Marvin. Adapté d'un roman de Jean Vautrin, auteur reconnu pour sa violence et son pessimisme, l'intrigue nous place dès le départ dans le sordide pour y rester jusqu'à la fin de la projection. Dialogué par Michel Audiard, reconnu pour ses répliques vitrioliques, le film est composé de personnages bizarres aux réactions et aux agissements déraisonnés, sortant plus d'une galerie de monstres de foire que d'un manuel de psychologie à deux sous. Plusieurs genres se retrouvent ainsi mélangés; on passe du comique au polar en passant par l'érotisme et le western. Boisset ne cache pas son goût pour le cinéma américain ici, mais les fréquentes ruptures de ton et le caractère outrancier et truculent du film en font également un produit bien français. Une oeuvre étrange et insolite qui donne le vertige et ne laisse pas indifférent de par ses audaces. Certains aimeront, d'autres pas. À vous d'en juger. Mathieu Lemée |
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Un CONDÉ aka L'UOMO VENUTO DA CHICAGO aka THE COP aka BLOOD ON MY HANDS - Yves Boisset d'après un roman de Pierre Vial-Lesou, "La Mort d'un Condé", aux éditions Fleuve Noir, avec Michel Bouquet, Gianni Garko, Françoise Fabian, Adolfo Celi, Michel Constantin, Bernard Fresson, Henri Garcin, Rufus, Théo Sarapo, Pierre Massimi, 1970, France/Italie, 1h34 Alors qu'il enquête sur une affaire de drogue, l'inspecteur Barnero est abattu par des truands. Son collègue l'inspecteur Favenin est chargé d'élucider le crime. Il est prêt à tout pour retrouver les coupables, y compris à outrepasser la loi... Interdit à l'époque de sa sortie par les autorités, longtemps introuvable en VHS et invisible à la télévision, ce deuxième film d'Yves Boisset refait ces jours-ci surface à la faveur d'une réédition en DVD, grâce aux bons soins du "Progrès", quotidien local lyonnais. A l'époque de l'immédiat après mai 68, ce film offrait de la police une image si négative et pessimiste qu'il s'attira les foudres de la censure gaulliste. Déjà désabusé quant à ses fonctions, Favenin (Michel Bouquet, saisissant) bascule dans la rage incontrôlée lorsque son collègue idéaliste, Barnero (Bernard Fresson, tout en bonhomie) est abattu sous ses yeux. Reprenant le schéma classique du revenge-movie, Boisset fait scandale car c'est le flic, censé incarner le respect de la loi et le bon exemple, qui surenchérit dans la vengeance. Escamotage de preuves, tabassages, fabrication de faux témoignages : tout est bon pour remettre la main sur l'assassin d'un collègue. Violent, poisseux et d'un réalisme implacable, ce polar rondement mené avait de quoi choquer à l'époque. Et il ne manqua pas sa cible, à tel point que la critique le descendit en flammes, des journalistes de gauche allant jusqu'à accuser Boisset de racolage, alors qu'en réalité il n'inventait rien... Visuellement, cette coproduction franco-italienne n'est pas sans évoquer les meilleurs brûlots de Fernando Di Leo (LE BOSS) ou d'Umberto Lenzi (LA RANCON DE LA PEUR) : même galerie de "trognes", même montage hyper-serré, même pessimisme... Une parenté encore renforcée par la présence à l'interprétation de quelques excellents interprètes de films de genre italiens, tels Adolfo Celi en hiérarque de la police, et surtout le comédien yougoslave Gianni Garko (John Garko sur l'affiche d'époque !), qui livre une jolie composition. Dans son rôle de bandit de devoir, en lutte contre le "Mandarin", gros bonnet à la tête du potentat local, il est presque le personnage le plus humain du film. Ce qui en dit assez long sur la tonalité, très sombre, de l'uvre. Un grand Boisset ! Répliques cultes : "La police d'ici a des habitudes, elle interroge les victimes, pas les coupables." "La police c'est un métier sale, que l'on ne peut faire que salement." "Un corps qui fonctionne bien n'est pas un corps qui ne produit pas de déchets. C'est un corps qui les élimine convenablement." Stelvio |
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COPLAN SAUVE SA PEAU aka Devil's Garden aka Requiem for a Snake aka Coplan Saves his Skin - Yves Boisset 1967, France-Italie, 1h45 Appelé à Istambul par une ancienne flamme en détresse, Francis Coplan (Claudio Brooks) n'écoute que son courage et quitte Paris sur un coup de tête. Une fois là-bas, il a à peine le temps de renouer avec la belle (Margaret Lee) que celle-ci se fait trucider par de vilains truands turcs. En essayant de démêler cet immense sac de noeuds, notre agent secret français favori se mettra les pieds dans les plats et tombera en plein complot atomique. Cette fois-ci, Coplan est dans de beaux draps, avec des savants fous et des amazones en furie en prime. Le pré-générique suffit à capter l'attention de tout amateur de films d'espionnage, en mettant en vedette le charme confirmé de Margaret Lee - qui joue ici un double rôle - et les paysages baroques d'Istambul. Le récit prend forme assez rapidement, et Coplan est entraîné dès les premières minutes dans une machination compliquée quoique majestueusement orchestrée par Yves Boisset, dont le talent éclate avec grâce. On remarque tout d'abord le soin apporté à la mise en scène et à l'image en général; les travellings se multiplient là où on ne les attend pas, et la direction photo capte intelligemment la lumière de la Turquie. Les dialogues, littéraires et grandiloquents, sont parfaitement à leur place dans la bouche des personnages. Il est étonnant de voir Bernard Blier apparaître ça et là, avec quelques kilos en trop. Aussi singulier est le rôle de Klaus Kinski, qui y personnifie un sculpteur vaguement efféminé. Claudio Brooks, le Coplan de service, assume sa tâche avec distinction - et un léger accent - et prend des airs que ne renierait pas Rupert Everett. La musique qui mélange le big band et le sitar insistant de l'orient sied à merveille à l'action et aux images, créant un climat perpétuel d'insolite. La scène finale, une chasse à l'homme bourrée de cascades, se déroulant dans un paysage rocailleux et impitoyable, est plutôt impressionnante, mais cet adjectif éculé pourrait très bien qualifier le métrage en entier ! Orloff
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Hauts comme trois pommes, (Le nain Roberto) Au départ, on a un jeune aspirant-cinéaste français, Yves Boisset, qui s'est illustré comme assistant-réalisateur sur divers films, et qui s'est fait les dents sur un Rouletabille destiné à la télévision. Boisset, jeune intellectuel, souhaite, pour son premier film, donner une uvre ambitieuse et déconcertante. Il a écrit un scénario, Les jardins du diable, une sorte d'actualisation des Chasses du comte Zaroff teintée d'allusions à la mythologie grecque... Mais voilà, en cette deuxième moitié des années 60, ce sujet déconcerte les producteurs et il ne peut pas lui donner naissance. D'autre part, on a un producteur de séries B un peu filou, mais quand même crédible du point de vue commercial, Robert de Neslé. De Neslé, pour sa part, souhaite produire un nouveau volet de la populaire série " Coplan ". Les Coplan, au départ, ce sont des romans d'espionnage écrits au Fleuve Noir par Paul Kenny (pseudonyme de deux écrivains dont l'un d'eux est le père d'Anne Libert !). Des romans sans grande envergure, littéraire ou autre... Comme Boisset accepte de travailler pour pas cher, les deux hommes en viennent à un compromis : Boisset donne du " Coplan " à De Neslé, mais recycle son scénario des Jardins du diable dans la 2e partie du film... Tout le monde est heureux. Bizarre, hein ? Donc... La première partie de cet " espionnage " à la Française qui se déroule en Turquie est plutôt traditionnelle, mais de qualité. Les dialogues visent juste et les scènes d'action sont efficaces. L'intrigue est complexe et difficile à résumer : Coplan, as-espion français, reçoit un coup de fil d'une ancienne amante qui lui demande de la rejoindre en Turquie. Quand il la rencontre, elle lui parle d'une invention terrible qui pourrait détruire Istanbul et le monde. Coplan enquête, se bastonne, va voir un numéro de cabaret, frime un peu partout : la routine habituelle pour tout espion qui se respecte. Cette première partie va satisfaire le public populaire, même si le délire règne déjà : il faut voir Klaus Kinski en sculpteur spirite invoquer l'esprit du marquis de Sade avant de gloser sur son art ! Lorsqu'il débarque enfin dans les fameux jardins du diable, le délire se systématise : dirigés par une dominatrice en shorts et un émule du fantôme de l'opéra défiguré et masqué, ces jardins donnent lieu à une chasse à l'homme dont la victime est le sosie de l'amante de Coplan, mise en cage et suspendue dans les airs. Et que dire du nain Roberto ?On signalera aussi aux fans de " bis " un rôle double pour Margaret Lee... En bref, ce film d'intellectuel pas ennuyeux du tout s'amuse à démolir les clichés du cinéma d'espionnage (entre autres en donnant le rôle vedette au fade Claudio Brooks, l'anti-héros par excellence) avec une verve certaine. Les nombreux clins d'il cinéphiliques plairont aux concernés. À recommander... Howard Vernon |
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CRAN D'ARRÊT aka IL CASO "VENERE PRIVATA" aka SAFETY CATCH - Yves Boisset avec Bruno Crémer, Renaud Verley, Marianne Comtell, Mario Adorf (et une apparition d'Agostina Belli), 1970, France/Italie, 1h27 Duca Lamberti (Bruno Crémer) est un ancien médecin, radié de l'Ordre pour avoir pratiqué l'euthanasie ; il est appelé par l'ingénieur Auseri pour essayer de sortir son fils David (Renaud Verley) d'une dépression nerveuse dont il souffre depuis une année, pendant laquelle il n'a fait que boire et courir en voiture. Dans un petit château hors de Milan, Duca découvre que David se sent responsable de la mort d'Alberta, jeune femme qu'il avait refusé d'aider il y a justement un an. Il a encore avec lui son sac à main fermé. Une fois celui-ci ouvert, Duca découvre une pellicule qui n'a pas encore été développée. Avec l'aide de David et de Livia (Marianne Comtell), une amie d'Alberta, il commence à enquêter sur les raisons du suicide d' Alberta. Mais s'agit-il vraiment d'un suicide ? Avant de se lancer dans des oeuvres au propos ambitieux, Yves Boisset s'est "fait la main" en tournant quelques films de genre : un COPLAN, puis ce CRAN D'ARRÊT, adaptation d'un roman policier de Giorgio Scerbanenco (1911-1969), sorte de Georges Simenon italien, décédé prématurément. Boisset ne fut d'ailleurs pas le seul cinéaste séduit par ses polars nerveux et réalistes : Duccio Tessari (LA MORT REMONTE A HIER SOIR) et surtout Fernando Di Leo (LA JEUNESSE DU MASSACRE et MILAN CALIBRE 9) trouvèrent en ces bouquins une pâte scénaristique à leur convenance. Mais revenons à CRAN D'ARRÊT : le film commence comme un giallo. La caméra suit une superbe jeune fille (Rafaella Carrà, future chanteuse de variétés à succès), qui semble aller à un rendez-vous. La beauté pénètre dans un immeuble bourgeois, un mystérieux homme lui demande de se déshabiller pour la photographier. Et... ça saigne ! A partir de ce prologue va se développer toute l'enquête. Yves Boisset étale tout son savoir-faire dans le choix des angles de prise de vue et des mouvements d'appareil. La partition "morriconienne" de Michel Magne (FANTOMAS) s'intègre avec brio. Quant aux personnages, ils sont aussi portés sur l'action que sur l'introspection. Comme dans l'excellent roman de Scerbanenco (disponible en édition de poche française chez 10/18 sous le titre "Vénus Privée"), le détective Lamberti trouve dans la dépression du jeune homme riche un écho de son propre désarroi, en même temps qu'une occasion de relativiser les choses. Bon, n'allez pas croire qu'il s'agit d'un mélo existentiel. Nous avons affaire à un excellent polar de série B, une bande mineure mais jouissive, avec poursuites, bastons et courses contre la montre. A ne pas négliger, même si UN CONDÉ (retiré des écrans par la censure pompidolienne en raison de la virulence de son propos sur les méthodes des flics) ou l'explosif SAUT DE L'ANGE, les deux films suivants de Boisset, sont certainement un peu plus marquants... Stelvio |
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DUPONT LAJOIE aka Rape of Innocence aka The Common Man - Yves Boisset avec Jean Carmet, Pierre Tornade, Michel Peyrelon, Jean Bouise, Ginette Garcin, Isabelle Huppert, Robert Castel, Pino Caruso, Pascale Roberts, Jean-Pierre Marielle, Victor Lanoux, Odile Poisson, Jacques Villeret, Jacques Chailleux, 1974, France, 103m À chaque été, un cafetier parisien qui s'appelle Georges Lajoie, s'en va passer ses vacances au "Camping du soleil" situé dans le midi de la France, en compagnie de sa femme Ginette et de son fils Léon. La famille Lajoie retrouve là des visages familiers comme le responsable du terrain Loulou, Monsieur Schumacher et sa femme et aussi la famille Collin. Au cours d'une compétition sportive entre les campeurs, activité télévisée pour l'occasion, Georges Lajoie ère en solitaire sur la plage et rencontre l'aguichante Brigitte, la fille des Collin. Attiré par elle, il tente de la violer et en vient à la tuer par accident. Comme il a été bousculé la veille par un maghrébin qui travaille sur un chantier de construction dans les environs du camping et qu'il en a gardé rancune, il fait en sorte de laisser le corps à proximité du chantier pour que les ouvriers arabes soient accusés du meurtre. Des conséquences tragiques s'ensuivent alors qu'au cours d'un affrontement entre les campeurs et les ouvriers, un maghrébin est tué, ce qui amène le frère de la victime à vouloir se venger. Yves Boisset continue de se préoccuper de sujets sociaux très forts et très chauds afin de frapper de façon percutante là où ça fait mal. Ce nouveau film trace un portrait amer des français moyens dont la bêtise humaine s'accorde avec le racisme, la xénophobie et l'intolérance. Le thème est illustré de manière assez chargée, voire souligné à coups de gros marqueurs rouges mais l'impact de l'ensemble n'est pas atténué pour autant. La mise en scène passe brutalement de la chronique des moeurs avec une certaine ironie au suspense brutal teinté de tragédie et d'amertume. L'exposé n'y va donc pas de main morte dans la dénonciation des préjugés idiots créateurs de manifestations violentes de racisme imbécile chez les Français blanc de couleur, allant même jusqu'à compromettre la police et la justice dans cette histoire, mais le jeu de caméra et du montage donne beaucoup de mortier au long-métrage afin de bien cimenter les fondations de l'intrigue. Ainsi, l'efficacité dramatique du film est indéniable bien que l'on passe parfois par des moyens pas toujours subtils et même un peu complaisants. La rareté du sujet abordé par le film le rend néanmoins mémorable, d'autant plus que tous les acteurs, Jean Carmet en tête, font preuve d'une grande conviction dans l'interprétation de Français de classe moyenne. Mathieu Lemée |
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ESPION, LÈVE-TOI! - Yves Boisset avec LIno Ventura, Michel Piccoli, Krystyna Janda, Bruno Cremer, Bernard Fresson, 1981, France, 98m Sébastien Grenier est conseiller financier à Zurich. C'est aussi un agent dormant des services secrets français inactif depuis 8 ans. Un haut-fonctionnaire, Chance, se présente à lui comme son supérieur et affirme que l'épouse de Grenier, Anna, par son travail à l'université a des accointances avec un groupe terroriste responsable de l'assassinat d'un collègue. Grenier enquête pour découvrir la vérité et il rencontre un dénommé Richard qui dit au contraire que Chance est un agent des Russes. Lorsqu'Anna est kidnappée puis tué, Grenier recherche Chance pour l'abattre. Richard l'avertit que s'il tue Chance, son élimination sera décidé. Grenier abat Chance quand même et plus tard, il est tué lui-même par des agents français. Adaptation réussie du roman "Chance Awakening" de George Markstein publié dans la collection "Série Noie", l'intrigue ressemble beaucoup aux romans de l'auteur John Le Carré; le personnage de Grenier, solidement interprété par Lino Ventura, possède une certaine parenté avec "L'espion qui venait du froid". Avec son habileté coutumière, Yves Boisset illustre de façon personnelle le monde glauque et glacé de l'espionnage où la manipulation est omniprésente. La logique de cette histoire mène tout droit vers une conclusion implacable grâce à une mise en scène efficace et sans bavures. L'apport de Michel Audiard comme dialoguiste du film (première des deux collaborations avec Yves Boisset) se fait également sentir tout au long de la projection grâce à des répliques pleines de verve et de cynisme. Michel Piccoli ajoute par ailleurs un humour narquois de bonne venue à son personnage d'agent double. Mathieu Lemée |
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La FEMME FLIC - Yves Boisset avec Miou-Miou, Jean-Marc Thibault, Leny Escudero, Jean-Pierre Kalfon, François Simon, Niels Arestrup, Jean Martin, Roland Bertin, 1979, France, 103m Corinne Levasseur est une inspecteur de police mutée dans une ville du Nord de la France à la suite d'une esclandre. Son nouveau chef, le commissaire Poret la relègue à des travaux routiniers de bureau. Lorsqu'une fillette de 12 ans est assassinée, la police soupçonne un vieil homme au comportement original du crime. Corinne est cependant persuadée de son innocence et suit une autre piste qui l'emmène tout droit vers un réseau de prostitution enfantine auquel sont mêlés plusieurs notables de la petite ville. Ce n'est pas long avant que les autorités policières et judiciaires subissent des pressions pour laisser tomber cette affaire. Voyant que ses collègues sont prêts à étouffer cette histoire, Corinne est résolue à aller jusqu'au bout de l'affaire au risque de sa vie. Yves Boisset a trouvé un autre fait divers pour construire une nouvelle intrigue policière solide et percutante située dans un milieu réaliste afin de mêler adroitement action et critique sociale. L'ensemble est bien mené bien que les données du récit soient quelque peu démagogiques. Boisset sait comment dénicher des touches vives et des effets chocs pour faire progresser son histoire à coups mesurés et illustrer la probité d'une policière sensible à la détresse des faibles face à un monde d'hommes endurcis, machos ou corrompus. Ironiquement, la construction et le résumé du film rappelle une oeuvre antérieure de Boisset: "LE JUGE FAYARD DIT LE SHÉRIF" mais cela n'enlève rien aux nombreuses qualités de "LA FEMME FLIC". Dans cette approche vraisemblable d'un problème brûlant (la prostitution enfantine) Miou-Miou compose à merveille un personnage à la fois fragile et déterminée grâce à son expression d'oiseau blessé. Mathieu Lemée |
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FOLLE À TUER aka Une Donna da Uccidere aka Mad Enough to Kill - Yves Boisset, 1975, France/Italie, 1h30 1975, au plus fort de la vague "policière" européenne. 1976 sera l'année des grands crus, année de l'explosion du genre, et aussi l'année qui vit les plus grands titres du genre sortir sur les écrans, tant italiens que français. Yves Boisset, un jeune prodige de 36 ans, qui a vécu un fulgurant départ de décennie (COPLAN SAUVE SA PEAU en '68, UN CONDÉ et CRAN D'ARRÊT en '70, LE SAUT DE L'ANGE en '71...) et qui a encore de très belles années devant lui, décide d'adapter, dans une co-production France-Italie de l'enfer, un roman de Jean-Patrick Manchette. Boisset que l'on connaît politique, incendiaire, âpre juge envers la corruption de l'état et le dédain éhonté des riches envers la classe moyenne, décide donc de donner dans "film de kidnapping", sous-genre du cinéma dit de vengeance, qui fait tourner la roue de l'industrie du thriller. On a donc droit aux tribulations de Julie (Marlène Jobert), une ancienne démente lentement réinsérée dans la société "normale", à qui l'on donne le boulot de s'occuper d'un petit Thomas (Thomas Waintrop, frisé et lippu) tout à fait insupportable, enfant gâté imprévisible et mal élevé, seul héritier d'une fortune colossale héritée de son père décédé par accident un an plus tôt. Son tuteur, un gros bonhomme à bouc qui se trouve à être le frère du défunt, donc lui aussi un Mostri (Micheal Lonsdale), administre ses biens et fait oeuvre de charité en engageant d'anciens détenus de l'asile où Julie fut internée, d'où sa présence dans l'empire Mostri. Ailleurs en France, un tueur au sang plus que froid nommé Thompson (superbe Tòmas Milian) reçoit la mission de se débarrasser du petit Thomas. Ça ne le gêne pas le moins du monde, car comme il dit, "le client a toujours raison". Le spectateur doté de la moindre parcelle de neurones actives se dit donc, en voyant ça, que l'intrigue ne vas pas rester rose longtemps. Un de plus, donc, auquel Boisset a apporté sa touche magique, mélange de rythme vif, de dialogues qui vont droit au but, de plans de caméra discrets mais efficaces... et d'un casting solide comme de l'acier trempé. Le Boisset est un justicier au coeur tendre, au fond de l'âme, et superpose une superbe musique poignante à ces images tragiques, faisant naître le germe de la sensibilité dans le coeur fermé du spectateur. Encore une fois des gens simples et honnêtes sont mêlés aux manigances de quelques méchants monsieur et risquent d'en payer le prix. Cinéma social déguisé en production de genre, l'oeuvre de Boisset ne manque jamais d'éveiller les consciences, d'une façon si subtile, à la manière d'un Castellari qui filme des enfants écrasés par des gangsters qui s'en foutent. Tòmas Milian excelle dans le rôle du tueur au coeur froid, retenant sans peine ses mimiques habituelles, glaçant de sobriété. On lui attribue cependant un accent plus que ridicule avec sa voix doublée, ce qui déçoit quelque peu. Marlène Jobert, qui n'est pas née de la dernière pluie (elle était quand même de la distribution d'ALEXANDRE LE BIENHEUREUX, en '67), se débrouille très bien pour apporter les nuances nécessaires à son personnage, qui combat sa folie passée avec une naïveté certaine tout en essayant de garder la tête froide en face d'un danger extrême. Le petit gamin qui prête son corps au personnage, Thomas Waintrop, est "bon" dans la mesure où on a envie de l'étrangler chaque fois qu'il ouvre la bouche. Sa carrière ne s'est pas tellement développée après ce rôle, d'ailleurs... Michael Lonsdale, sournois et bourgeois, a tellement la gueule de l'emploi pour paraître antipathique qu'il a même hérité de rôles dans MOONRAKER et dans LE FANTÔME DE LA LIBERTÉ, de Bùnuel ! Victor Lanoux, régulier de Boisset (DUPONT-LAJOIE, CANICULE), rescapé des années '70, interprète ici un chauffeur pas très honnête à la libido plutôt inépuisable. Nous voici donc en présence d'un thriller de grande classe, où on ne s'ennuie pas une seconde, avec des moments tendres mais jamais mièvres, pas de "comic relief" imbécile, des interprètes à tout casser, et un ensemble fort réussi. Reste maintenant à éclaircir un éternel mystère : pourquoi Boisset demeure-t-il dans l'ombre, même aujourd'hui où il se complaît dans des productions pour la télé ? Orloff |
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Le JUGE FAYARD DIT LE "SHÉRIF" - Yves Boisset avec Patrick Dewaere, Aurore Clément, Philippe Léotard, Jacques Spiesser, Michel Auclair, Marcel Bozzuffi, Jean Bouise, Jean-Marc Bory, Daniel Ivernel, Jean-Marc Thibault, Myriam Mézières, Bernard Giraudeau, 1977, France, 112m Le jeune juge d'instruction Jean-Marie Fayard possède un tempérament fougueux dans sa marche vers la vérité et ce ne sont pas les protections politiques dont jouissent les suspects qui peuvent l'arrêter. Il fait une enquête à propos d'un hold-up dont l'un de suspects, malgré son supposé alibi, travaille pour une agence de sécurité mise sur pied par l'ancien commissaire de police Marcheron. Fayard cherche à prouver la complicité qui existe entre Marcheron et un gang de bandits mais l'ancien commissaire est retrouvé assassiné. Fayard persiste néanmoins, et avec l'aide de l'inspecteur Marec, découvre que ce gang de malfrats a des appuis politiques influents. Le chef du gang, appelé "Le Docteur" est en prison, mais il parvient à s'évader. Plus tard, le fameux gang réussit un gros coup en s'attaquant à un transport de fonds. Les malfrats ont cependant laissé derrière eux l'un des leurs, blessé et celui-ci à l'hôpital révèle à Fayard qu'un dénommé "Monsieur Paul" est le véritable patron du gang. Le gangster blessé est assassiné avant d'être interrogé une seconde fois. Fayard n'en a pas moins constitué un important dossier compromettant et malgré les menaces envers lui et sa petite amie Michèle, il parvient à prouver le lien existant entre le gang des "Stéphanois", des hommes d'affaires et des politiciens hauts placés de droite. Devenu extrêmement gênant, Fayard sera tué, mais il a pris de soin de laisser des preuves écrites et la vérité ne pourra être étouffée. Ce film démontre à quel niveau de qualité s'est rendu le réalisateur Yves Boisset dans son exercice de cinéaste de combat militant, engagé et social à cette époque. Inspiré de l'affaire du juge lyonnais Renaud, tué en 1975 parce qu'il avait tenté d'établir un lien de complicité entre le gang des "Lyonnais", des politiciens d'extrême droite et le S.A.C (Service d'Action Civique), ce film dérangeant eût maille à partir avec la censure lors de sa sortie alors que toute mention du S.A.C. dans le film dût être effacée de la bande sonore. Quoiqu'il en soit, le film possède un scénario très complexe mais conduit avec habileté par un Yves Boisset au sommet de sa forme, car l'armature de l'ensemble se tient. Quelques détails caractéristiques intéressants dans la peinture des personnages leur donnent la conviction voulue et le thème de la corruption et de la lâcheté dans les milieux politiques et judiciaires est illustrée avec pertinence. La mise en scène possède un style coup-de-poing et un ton explosif en donnant une allure trépidante à l'intrigue, ce qui témoigne de la volonté de Boisset de divertir le public tout en l'instruisant et en le faisant réfléchir. Boisset se démarque donc de Costa-Gavras et d'André Cayatte dans la façon d'exploiter un sujet chaud d'actualité. La force d'impact du film est indéniable et difficile à contredire. Patrick Dewaere met beaucoup d'énergie et d'ardeur dans l'incarnation du magistrat intègre Fayard et il est bien entouré d'acteurs judicieusement choisis, à l'exception peut-être d'Aurore Clément. Un film à voir. Mathieu Lemée |
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Le PRIX DU DANGER - Yves Boisset avec Gérard Lanvin, Michel Piccoli, Marie-France Pisier, Bruno Cremer, Gabrielle Lazure, Andréa Ferréol, Henri-Jacques Huet, Catherine Lachens, Jean Rougerie, Jean-Claude Dreyfus, 1982, 100m Dans un futur proche, l'émission de télévision "Le Prix du danger" s'avère l'une des plus populaires. Il s'agit d'un jeu basé sur le principe de la chasse à l'homme où un concurrent doit atteindre un but fixé alors que cinq poursuivants sont à ses trousses pour le tuer avant qu'il n'y parvienne. De nombreuses caméras suivent les efforts du concurrent qui peut remporter un gros prix s'il gagne. Un jeune chômeur sans le sou, François Jacquemard, décide de participer à l'émission, espérant remporter le grand prix pour sortir enfin de la dèche. Commence alors pour lui la traque où il est pourchassé sans relâche par cinq chasseurs. Il en vient cependant en cours de route à apprendre que les directeurs du réseau de télé truquent le jeu et les compétitions de l'émission pour attirer encore plus de spectateurs. François cherche alors à se débarrasser de ses cinq traqueurs afin de se rendre au studio pour dévoiler au grand jour la supercherie. Dans les années 60, le réalisateur italien Elio Petri avait déjà adapté la nouvelle de Robert Sheckley: "La Dixième Victime". Devant néanmoins les tendances de certaines émissions de télévision, le réalisateur Yves Boisset a décidé d'adapter cette nouvelle à nouveau, considérant le thème comme toujours d'actualité, ce qui ne surprend guère étant donné le contenu de critique sociale de l'oeuvre qui ne pouvait qu'intéresser Boisset. Celui-ci ne s'est d'ailleurs pas gêné pour pousser avec insistance sur les éléments de l'intrigue afin de frapper les esprits des spectateurs sur le caractère néfaste des jeux télévisés. La description futuriste de ce film d'anticipation est suffisamment convaincante, bien qu'il y ait des éléments moins plausibles, destinés surtout au mouvement de l'action et du suspense. La caricature du cynisme exacerbé des responsables de la télévision, guidés beaucoup plus par des tendances démagogiques que des sentiments humains, risque d'apparaître ici trop appuyé pour être crédible aux yeux de certains, mais elle demeure pertinente et convaincante. C'est que le film ne manque pas de punch dans ses effets bien dosés et dans la mise au point du sujet, bien que Boisset aurait pu aller encore plus loin de ce côté-là. Un jeune Gérard Lanvin met beaucoup d'impact dans son rôle de proie et il est assez bien entouré par de bons partenaires dans des personnages plus unidimensionnels. Le film est plus réussi en tout cas que "THE RUNNING MAN" avec sieur Arnold, qui s'avère d'ailleurs presque un plagiat de cette version de Boisset. À voir donc. Mathieu Lemée |
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R.A.S. - Yves Boisset avec Jacques Spiesser, Jacques Weber, Jean-François Balmer, Philippe Leroy, Michel Peyrelon, 1973, France, 112m An 1956: l'armée française est en déroute, n'arrivant pas à contenir le soulèvement d'Algérie et son indépendance semble inévitable. Plusieurs jeunes conscrits ayant déjà terminé leur service militaire sont expédiés en Algérie pour servir de renfort aux troupes. On suit alors trois jeunes soldats, March, Charpentier et Dax qui connaissent un sort commun: ils passent ensemble dans un bataillon chargé de ratisser les djebels isolés. Avec le temps, Dax finit par se révolter et il en vient à abattre un sous-officier avant de se suicider. Ses deux amis sont vite étiquetés comme réfractaires par leurs camarades et par leurs supérieurs et histoire de les prendre en main, ils sont envoyés avec d'autres réfractaires sous les ordres d'un officier qui commande un groupe de parachutistes.... Lorsqu'au cours d'une opération, Charpentier meurt tragiquement, March se décide à déserter, qu'importe les conséquences que cela peut entraîner à sa carrière. J'attendais depuis longtemps de voir ce film d'Yves Boisset qui a suscité une forte controverse en France, comme quoi la guerre d'Algérie n'a pas fini d'ulcérer les Français, tout comme l'Occupation allemande. Si ce film contient des simplifications, les divers problèmes politiques et sociaux qui y sont explorés, le sont avec rigueur et clarté. L'on a aucune peine à ressentir la verve anti-militariste de Boisset, mise en relief par les aspects cruels et déshumanisants de cette guerre coloniale. La réalisation est tellement vigoureuse et solide que l'on n'a qu'à se laisser prendre par ces images à la fois violentes et critiques sans perdre notre intérêt une seule minute. Un rare film à la fois divertissant et instructif, comme quoi ces deux qualificatifs ne sont pas incompatibles contrairement à ce que pense la plupart des critiques établies dans les journaux et les revues à grands tirages. Des jeunes acteurs inconnus assument avec homogénéité les trois rôles principaux des soldats réfractaires et les autres interprètes s'avèrent tout aussi talentueux. Mathieu Lemée |
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Le SAUT DE L'ANGE aka Angel's Leap aka Cobra aka Codename Cobra aka Da Parte Degli Amici : Firmato Mafia ! aka Operation : Cobra - Yves Boisset, 1971, France/Italie, 1h29. Marseille, pendant une campagne électorale plutôt houleuse. Les deux partis dominants sont loin d'être en amour et l'un d'eux envoie un hitman américain s'occuper des deux Orsini, ses ennemis déjà en place au pouvoir. Le deuxième gus est même abattu alors qu'il assiste aux funérailles de son frérot, et s'étale face première dans la tombe de ce dernier ! Les politiciens tueurs apprennent que les deux viandes froides ont un frère bien vivant, retiré à Bangkok, qui héritera de tout. Ils envoient donc leur assassin amerloque là-bas, mais celui-ci rate son coup car le survivant Orsini, un nommé Louis - Jean Yanne, que l'on est plutôt habitué à voir dans des comédies - est un violent ex-mercenaire qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Contrarié que l'on soit venu l'emmerder jusque dans sa cambrousse reculée, il fait ses bagages et prend l'avion pour Marseille, bien décidé à mettre un peu d'ordre dans la scène politique locale. Maître sous-estimé du thriller français, fortement influencé par la rythmique italienne, Yves Boisset ne déçoit jamais. Réunissant dans cette co-production des acteurs français et italiens, il réalise un film qui roule au quart de tour tout en exécutant quelques morceaux de bravoure visuels qui ont probablement influencé le style ultra violent de Lenzi & Di Leo. L'aspect politique du film est ici dénué de toute lourdeur; on s'en tient à l'essentiel, c'est-à-dire l'action, et celle-ci est incessante. Jean Yanne est surprenant de retenue dans le rôle principal, alternant entre bons mots pince-sans-rire et un monolithisme imperméable. La jolie Senta Berger y est aussi, trop brièvement peut-être, dans le rôle de la veuve pas si éplorée que ça qui compte bien profiter de son héritage... Elle a du mal avec ses hommes, Senta, elle qui était concubine d'un Luc Merenda amnésique dans LA TRANCHEUSE INFERNALE de Duccio Tessari, et la journaliste sportive amoureuse d'un Fabio Testi plutôt casse-cou dans SPEED RACER de Stelvio Massi... On croise aussi dans la distribution l'imposant Gordon Mitchell et le polyvalent Raymond Pellegrin. On arrive donc en bout de ligne à une conclusion surprenante, et à une perplexité des plus totales devant le fait que ce merveilleux thriller n'a pas davantage d'adeptes. Avec son intelligence, son rythme, son originalité et sa position de précurseur, Yves Boisset mériterait largement la sortie de ses oeuvres complètes en DVD ! Orloff |
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